PARIS (Reuters) - Les maires de France réclament un étalement de la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales, estimant que le rythme prévu par le gouvernement étouffera l'investissement public et met en danger de nombreuses communes.
Deux jours avant une rencontre avec Manuel Valls, les dirigeants de l'Association des maires de France, dont son président UMP François Baroin et son vice-président PS André Laignel, se sont dit prêts mardi à aller au bras de fer avec l'Etat.
"Le statu quo n'est pas possible", a dit François Baroin au cours d'une conférence de presse, "il n'est pas envisageable que le calendrier proposé soit inchangé".
L'AMF est même prête à accepter un rétablissement du jour de carence en cas d'arrêt maladie, supprimé l'an passé dans la fonction publique - ce qui n'a pas été sans impact sur l'absentéisme - pour obtenir gain de cause, a-t-il précisé.
Sur l'effort global de 21 milliards d'euros prévu en 2015 sur les finances publiques, la contribution des collectivités locales a été fixée à 3,7 milliards d'euros, dont deux milliards pour le seul bloc communal (communes et intercommunalités).
Amorcée l'an passé, cette baisse, qui prend la forme d'une baisse des dotations de l'Etat, atteindra en cumulé 15,7 milliards d'euros sur la durée du quinquennat, un manque à gagner conséquent alors que les communes contribuent pour plus de 60% à l'investissement public local.
L'AMF estime qu'une telle baisse de recettes ne sera compensée que par un coup de frein aux investissements faute de pouvoir l'être par la fiscalité.
Elle serait lourde de conséquences pour l'emploi, avec 60.000 postes menacés sur la période dans le seul secteur des travaux publics. "On veut faire de nous des agents de la récession", a déploré André Laignel.
COMMUNES EN DANGER
Autre danger, la dégradation des finances des communes : un millier pourraient basculer en situation d'autofinancement négatif cette année, beaucoup plus dans les années à venir.
Dans un rapport publié en novembre, le Sénat estimait que jusqu'à la moitié des villes de plus de 10.000 habitants et des départements pourraient se trouver en difficulté d'ici à 2017 si rien n'est fait pour corriger une dérive de leurs finances accentuée par la baisse des dotations de l'Etat.
Les collectivités territoriales ont été montrées du doigt ces dernières années pour l'évolution de leurs coûts de fonctionnement, l'Etat leur imputant une partie de la dérive des déficits constatée fin 2013.
Le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, a récemment indiqué que leur masse salariale avait encore progressé de 4% l'an passé, un chiffre que les maires mettent en doute en l'absence de toute donnée définitive pour 2014.
Pour leur défense, ils font valoir qu'une grande partie de l'évolution de leurs dépenses dépend de décisions prises par l'Etat, les dernières en date étant la réforme des rythmes scolaires, qui a coûté deux points de pourcentage de masse salariale et la hausse des traitements pour les fonctionnaires de catégorie C (un point).
Avec les 253 nouvelles normes introduites l'an passé et la réforme des rythmes scolaires "il y a 1,2 milliard en trop d'effort demandé aux collectivités locales" en 2015, a dit François Baroin, "on est prêt à toper pour 2,5 milliards".
Et si les collectivités sont prêtes à un effort ponctuel, c'est le cumul de ce qui leur est demandé qui pose problème, car pour 2016 et 2017, "ce n'est pas possible".
(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)