PARIS (Reuters) - La France s'est efforcée mercredi de rassurer l'Allemagne sur sa nouvelle réforme du collège, qui doit entrer en vigueur à la rentrée 2016, en affirmant qu'elle ne remettait aucunement en cause l'apprentissage de l'allemand dans ses établissements.
Le débat, qui prend un tour diplomatique, est remonté jusqu'à François Hollande et Angela Merkel, qui craint une baisse du nombre de germanophones de l'autre côté du Rhin.
Portée par la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem, la réforme prévoit notamment l'apprentissage d'une seconde langue dès la cinquième -au lieu de la quatrième actuellement- et la suppression des classes "bilangues", accusées de creuser les inégalités.
Ce dispositif permet aux élèves d'apprendre deux langues étrangères simultanément dès la sixième.
Actuellement, la langue allemande est étudiée par environ un million de collégiens en France. La crainte, exprimée par l'Allemagne, est que l'allemand soit à l'avenir délaissé au profit de l'espagnol, jugé plus facile.
"Contrairement à ce qui est dit, il n'y a aucune remise en cause de l'enseignement de l'allemand, bien au contraire", a assuré mercredi le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, lors du compte rendu du conseil des ministres.
"Aujourd'hui sont ouverts 250 à 300 postes de professeurs d'allemand, c'est 515 postes qui seront ouverts l'année prochaine, donc on fait progresser au contraire l'enseignement de l'allemand", a-t-il ajouté, soulignant que la réforme visait à permettre "la réussite du plus grand nombre".
UNE ENTORSE AU TRAITÉ DE L'ELYSÉE?
Aux yeux de Berlin, la réforme va à l'encontre du traité de l'Elysée de 1963 entre la France et l'Allemagne qui prévoit notamment de favoriser l'apprentissage de la langue du pays partenaire.
Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a évoqué le sujet avec son homologue français, Laurent Fabius, en marge des négociations sur le programme nucléaire iranien à Lausanne, début avril.
Selon le coordinateur des affaires franco-allemandes au secrétariat d'Etat allemand aux Affaires étrangères, Michael Roth, François Hollande et Angela Merkel en ont également parlé.
"Je ne critique pas le fait que la ministre française de l'Education veuille une réforme -l'éducation fait constamment l'objet de réformes en Allemagne aussi", a-t-il déclaré à Reuters.
"Mon point de vue est le suivant: au final il ne doit pas y avoir moins, mais plus d'enfants français qui étudient l'allemand", a ajouté Michael Roth, rappelant que seuls 15% des élèves français et 19% des élèves allemands apprennent la langue du pays partenaire.
"Je comprends que la ministre ne souhaite pas que l'enseignement de l'allemand soit réservé à un projet élitiste. L'allemand devrait être également proposé dans d'autres types d'établissements".
Au-delà du cas particulier de l'allemand, la réforme du collège suscite de vives critiques au sein du monde enseignant français, notamment chez les professeurs de langues anciennes qui redoutent une disparition de l'enseignement du latin et du grec.
Plusieurs syndicats d'enseignants ont lancé un appel à la grève contre la réforme, le 19 mai prochain.
(John Irish, Marine Pennetier et Elizabeth Pineau, avec Andreas Rinke à Berlin, édité par Sophie Louet)