par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - Le tribunal de commerce de Marseille a examiné mercredi les offres des trois repreneurs potentiels de la SNCM et a mis en délibéré au 10 juin sa décision sur l'avenir de la compagnie maritime placée fin novembre en redressement judiciaire.
Les juges consulaires ont étudié à huis clos les offres de Daniel Berrebi, l'armateur de la compagnie Baja Ferries dont le siège social est à Miami, de la société d'investissement Med Partners de Christian Garin, ancien président du port de Marseille, et du transporteur corse Patrick Rocca.
De source proche du dossier, l'offre de Baja Ferries aurait pris l'avantage, même si elle apparaît encore insatisfaisante aux yeux des personnels de la compagnie maritime.
"C'est la seule offre émanant d'un professionnel du transport maritime, cela peut faire la différence. Dans tous les cas, il est temps d'en finir", dit-on de même source.
Un rapport des administrateurs judiciaires, qui a servi de base au tribunal, privilégie aussi cette offre avec un montage financier qui n'attire pas de réserve de leur part.
Ce document, dont Reuters a obtenu copie, détaille les moyens mis en oeuvre pour assurer la pérennité de l'entreprise, soit 50 millions d'euros, dont 10 millions apportés par Baja Ferries et un prêt de 40 millions.
"Aucune question n'est restée sans réponse, l'oral s'est bien passé", a dit Daniel Berrebi en marge de l'audience.
L'armateur a donné l'assurance au tribunal qu'il serait physiquement présent à Marseille pour accompagner la future entreprise durant la période critique des douze premiers mois.
RÉDUCTION DE LA VOILURE
Le dirigeant de Baja Ferries ne veut pas pour autant endosser le costume de favori, même si les administrateurs ont émis un "avis formellement défavorable" au montage financier proposé par Christian Garin, qui reste le mieux-disant sur le plan social avec la reprise de 900 salariés. La SNCM emploie actuellement 2.000 personnes dont 1.500 en CDI.
"La meilleure offre est celle de M. Garin, mais il semble que cette offre gêne", a regretté son avocat, Olivier de Chazeaux. "D'autres font financièrement la même chose, personne ne les critique."
Les administrateurs ont enfin émis des réserves sur la viabilité du projet de Patrick Rocca qui "ne semble pas assuré".
"C'est compliqué car on a une offre atypique qui bouscule les schémas", a souligné Patrick Rocca.
L'actionnaire majoritaire de la SNCM, qui assure notamment la desserte entre la Corse et le continent, est Transdev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts. L'Etat détient une participation de 25% et les salariés 9%.
Les juges consulaires ne sont pas tenus de suivre les recommandations des administrateurs, comme ils ne sont pas obligés de procéder au choix formel d'un repreneur.
TRANSDEV FINANCERA LE PLAN SOCIAL
Si la justice devait une nouvelle fois rejeter au final les offres de reprise "en raison de leurs insuffisances persistantes", elle pourrait soit décider la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, soit laisser la période d'observation se poursuivre jusqu'à son terme, le 28 novembre.
Les administrateurs soulignent que, dans cette hypothèse, se poserait à nouveau le "sort des aides jugées illégales", une somme de 440 millions d'euros que la Commission européenne a accepté de ne plus réclamer au repreneur parce que la "discontinuité économique" - l'arrêt de la SNCM - est établie.
La poursuite de la période d'observation nécessiterait également de nouveaux apports financiers conséquents de la part d'actionnaires qui affirment "depuis des mois qu'ils ne feront plus aucun apport pour couvrir d'éventuels besoins d'exploitation et qui ont refusé de financer le plan social autrement que dans le cadre d'une transaction pour solde de tout compte", selon le rapport des administrateurs judiciaires.
Transdev et l'Etat ont donné leur accord pour le financement du plan de sauvegarde de l'emploi par la "conclusion d'une transaction en redressement judiciaire à hauteur de 60 millions d'euros", puis d'une seconde transaction "dans un cadre liquidatif" de 25 millions d'euros.
Ces 85 millions d'euros permettraient de couvrir l'intégralité du coût estimé du plan social résultant de l'adoption éventuelle par le tribunal de l'offre la moins disante socialement. L'accord prévoit également un abandon de créances d'un montant cumulé de plus de 120 millions d'euros.
(Edité par Yves Clarisse)