Face à une inflation qui dérape, les mesures de contrôle des prix annoncées par la Chine seront peu efficaces et devront être complétées par un resserrement de la politique monétaire, avertissent les analystes.
Alors que les prix de certains légumes ont bondi de plus de 60% sur un an et que l'inflation, à 4,4% en octobre, est tirée aux trois quarts par les produits alimentaires, le gouvernement chinois, qui vit dans une crainte permanente de troubles sociaux, a annoncé qu'il se tenait prêt à contrôler les prix, à assurer l'approvisionnement des marchés et à aider financièrement les plus démunis.
Après avoir reconnu que son objectif de limiter l'inflation à 3% en 2010 serait difficile à atteindre, le gouvernement a mis en vente des céréales, de l'huile et du sucre qu'il tenait en réserve pour stabiliser les prix et éviter le mécontentement social.
Mais les contrôles des prix, comme ceux qui avaient été instaurés temporairement en 2007 sur des denrées de base, sont jugés inefficaces sur la durée par les économistes.
"De telles mesures administratives peuvent servir à court terme (...) mais pas à plus long terme si elles ne sont pas associées à d'autres mesures économiques comme un resserrement monétaire", a déclaré à l'AFP Louis Kuijs, économiste de la Banque mondiale basé à Pékin.
"Les contrôles des prix ne s'attaquent pas aux racines du problème et introduisent de nouvelles distorsions dans l'économie", selon Patrick Chovanec, professeur d'économie à l'Université Tsinghua de Pékin.
Sur le front monétaire, Pékin a relevé vendredi, pour la cinquième fois de l'année et pour la deuxième fois en novembre, le pourcentage des dépôts que les banques commerciales doivent placer auprès de la banque centrale, afin de ralentir l'expansion de la masse monétaire.
Cette mesure avait été précédée en octobre du premier relèvement des taux d'intérêt en près de trois ans.
Le relèvement des réserves obligatoires des banques "a été préféré à des nouvelles hausses des taux d'intérêt ou à une appréciation plus rapide du yuan, qui auraient eu des impacts plus profonds sur l'économie avec de plus grands risques de troubles sociaux", relève dans une note de Matt Robinson, économiste de l'agence financière Moody's.
La Chine est confrontée au "problème d'une expansion massive de plus de 50% l'offre monétaire ces deux dernières années et cela conduit à une inflation générale des prix", estime pour sa part M. Chovanec.
Pour répondre à la crise financière, le gouvernement avait ouvert en grand les vannes du crédit en 2009, ce qui avait conduit à un quasi doublement du volume des nouveaux prêts accordés. Ces emprunts ont surtout servi à augmenter les investissements et ont provoqué une envolée des prix de l'immobilier.
"L'expansion monétaire durant les deux dernières années a été colossale", constate Wang Tao, économiste de la banque suisse UBS basé à Pékin.
Selon lui, le gouvernement, pour lutter efficacement contre l'inflation, devrait relever les taux d'intérêts de 1,5 à 2 points de pourcentage au cours des 12 prochains mois, réduire la croissance du crédit et cesser d'injecter des yuans dans l'économie en échange des dollars accumulés grâce à ses excédents commerciaux.
Réévaluer la monnaie chinoise serait un autre moyen pour la banque centrale chinoise d'imprimer moins de yuans en échange des dollars ou autres devises qu'elle reçoit, mais Pékin, malgré les pressions intenses de ses partenaires commerciaux, refuse toute hausse importante qui mettrait en danger ses industries exportatrices et des dizaines de millions d'emplois.