PARIS (Reuters) - Christiane Taubira s'est déclarée mardi prête à modifier la législation applicable aux sorties de détenus au vu d'un rapport sur la fusillade sanglante de Seine-Saint-Denis, après laquelle un policier est entre la vie et la mort.
Des syndicats de police et des politiques avaient appelé la ministre de la Justice à s'expliquer après l'équipée d'un malfaiteur signalé pour radicalisation qui avait bénéficié en mai dernier d'une permission de sortie.
L'homme a grièvement blessé lundi un policier de deux balles dans la tête avant d'être abattu en Seine-Saint-Denis, près de Paris, par les forces de l'ordre.
"Les interrogations sont légitimes et j'ai commandé, dès hier, un rapport précis sur ce qui s'est passé à propos de la recherche de ce détenu depuis qu'il n'a pas réintégré la détention", écrit Christiane Taubira dans un communiqué.
"J'examinerai s'il y a lieu de modifier la législation applicable aux sorties des détenus", ajoute-t-elle, assurant qu'elle ne se rangera "ni derrière la fatalité, ni derrière l'erreur d'autrui".
Christiane Taubira a précisé lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale qu'elle envisageait d'imposer une escorte "pour certains détenus, pour ce type de sorties".
Le malfaiteur en fuite n'avait pas réintégré sa cellule après une permission de sortie en mai 2015 et faisait l'objet d'une fiche "S" émise après sa disparition car il était soupçonné de s'être radicalisé en prison.
La fiche "S" signifie Sûreté d'Etat et implique une surveillance discrète en cas de contrôle.
Sa permission de sortie avait été décidée par le juge d'applications des peines pour régler la succession de son père, décédé peu auparavant, selon Christiane Taubira.
LES SYNDICATS DE POLICE INDIGNÉS
L'article 723-3 du Code de procédure pénale "régit les permissions de sortir et prévoit notamment que celles-ci peuvent être accordées pour permettre au condamné d'accomplir une obligation exigeant sa présence", ajoute-t-elle.
"Ce n'est pas la première fois que, pour des motifs de lenteurs de la justice mais aussi de décisions irraisonnées, des individus aux pedigrees chargés les caractérisant comme dangereux, sont libérés", s'était auparavant indigné le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI) dans un communiqué.
"Les policiers, les citoyens peuvent-ils encore avoir confiance dans un système judiciaire à bout de souffle par manque de moyens et mis à mal par des décisions inexplicables ?", demande-t-il.
Le syndicat Alliance demandait pour sa part à Christiane Taubira de "rendre des comptes". "On aurait pu éviter que notre collègue se trouve aujourd'hui entre la vie et la mort", écrit-il sur son compte Twitter.
"On est victime d'un phénomène qui fait qu'on aménage au maximum les peines. On voit qu'il y a des dysfonctionnements avec la Justice et qu'ils ont des conséquences importantes. Il faut que la Garde des Sceaux s'exprime", a renchéri Nicolas Comte, du syndicat SGP Unité-Police, sur France Info.
Xavier Bertrand, tête de liste Les Républicains pour les élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, avait lui aussi appelé Christiane Taubira à s'expliquer.
"Quand quelqu'un est dangereux, il ne sort pas, c'est pas une question de droite ou de gauche, c'est une question de bon sens", a-t-il dit sur France Info.
La présidente du Front national, Marine Le Pen, a dénoncé un "laxisme judiciaire déjà à l'oeuvre " sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Il "doit prendre fin et laisser place à une vraie politique de tolérance zéro avec une application pleine et entière des peines", écrit-elle dans un communiqué, réclamant l'instauration
d'une "présomption de légitime défense" pour les policiers.
(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)