par Pete Sweeney et Winni Zhou
PEKIN (Reuters) - Les chiffres du commerce extérieur chinois publiés dimanche ont largement déçu les attentes des économistes, confortant l'idée que les autorités devront stimuler davantage la demande intérieure pour compenser la morosité de ses marchés d'exportation.
Alors que Pékin a déjà réduit à plusieurs reprises les taux d'intérêt cette année, les dernières statistiques de la balance commerciale montrent un huitième mois consécutif de dégradation des échanges, conséquence de la faiblesse de la demande intérieure comme extérieure.
Selon les statistiques de l'administration générale des douanes, les exportations ont baissé de 6,9% le mois dernier par rapport à octobre 2014, diminuant pour le quatrième mois consécutif, tandis que les importations ont reculé de 18,8%. La balance commerciale affiche en conséquence un excédent record de 61,64 milliards de dollars (57,39 milliards d'euros).
Les économistes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur une baisse de 3,0% des exportations libellées en dollars, et d'un recul de 16,0% des importations. En septembre, les baisses avaient été respectivement de 3,7% et 20,4%.
La baisse marquée des exportations montre que la Chine profite moins qu'attendu des achats à l'étranger; parallèlement, la chute des volumes d'importations de matières premières traduit la faiblesse persistante de la demande dans plusieurs secteurs clés de l'économie, comme la construction, que Pékin peine à relancer.
La croissance du secteur des services, longtemps l'un des rares à résister au ralentissement, a elle aussi décéléré en octobre.
"La tendance ne va probablement pas s'inverser à court terme et le taux de change du yuan va subir des pressions à la baisse, d'autant plus que la Fed signale son intention de relever bientôt ses taux", observe Zhou Hao, économiste de Commerzbank (DE:CBKG).
YUAN PLUS FORT
La baisse des exportations le mois dernier a surtout touché les économies développées, montre le détail des statistiques des douanes: les expéditions vers les Etats-Unis affichent un recul de 0,9% depuis le début de l'année, celles vers l'Union européenne baissent de 2,9% et celles destinées au Japon de 7,7%.
Au total, les échanges chinois (exportations et importations confondues) ont diminué de 8,5% sur les dix premiers mois de l'année, alors que Pékin s'était fixé pour objectif une hausse de 6%.
La semaine dernière, le ministère du Commerce a déclaré que les exportations en valeur devraient être, cette année, équivalentes à celles de l'an dernier tandis que les importations devraient fortement baisser au quatrième trimestre.
Pour 2016, le ministère prévoit une croissance régulière des exportations comme des importations grâce aux effets des mesures mises en oeuvre pour soutenir le commerce extérieur.
La Banque populaire de Chine (BPC) a abaissé le mois dernier ses taux d'intérêt pour la sixième fois en moins d'un an et elle a réduit les réserves obligatoires imposées aux banques, dans le but de stimuler le crédit.
Pékin a parallèlement favorisé la baisse du yuan face au dollar mais la plupart des observateurs estiment qu'il faudrait une dévaluation marquée pour que le taux de change dope réellement les exportations.
L'objectif des autorités est de toute façon de réduire la dépendance de l'économie aux exportations de produits manufacturés à faible valeur ajoutée et de favoriser le développement de produits et de services intégrant de plus en plus de valeur ajoutée. Le maintien d'un taux de change relativement élevé est donc perçu par nombre d'économistes comme un moyen de favoriser cette évolution.
Louis Kuijs, d'Oxford Economics, note ainsi que le yuan est aujourd'hui plus fort face au dollar qu'il y a un an, malgré la dévaluation des derniers mois. "Le taux de change pondéré des échanges de la Chine était encore, en septembre, supérieur de 8,5% à son niveau de l'an dernier, et cela pénalise les exportateurs, même si la faiblesse générale du commerce mondial est un problème plus important", dit-il.
La croissance du produit intérieur brut (PIB) chinois est revenue à 6,9% en rythme annuel au troisième trimestre, passant sous le seuil de 7% pour la première fois depuis la crise financière.
(Jean-Stéphane Brosse et Marc Angrand pour le service français)