par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - Le tribunal de commerce de Marseille a retenu vendredi l'offre de reprise de la SNCM présentée par le transporteur corse Patrick Rocca, qui prévoit le maintien de 873 des quelque 1.500 CDI actuellement employés par la compagnie maritime.
Dans le jugement de 62 pages que Reuters a obtenu, les juges notent que l'offre de Patrick Rocca, "dont le prix de cession est certes insuffisant", est néanmoins celle qui apparaît "la plus réaliste" et, surtout, celle qui "laisse augurer d'une situation sociale plus positive" que les autres.
"L'offre la moins critiquable et la plus cohérente paraît être celle présentée par M. Patrick Rocca", écrit le tribunal, qui précise qu'un nouveau rejet des offres l'aurait contraint à "prononcer la liquidation judiciaire sans cession".
La SNCM, dont l'actionnaire majoritaire est Transdev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts, assure les dessertes entre la Corse et le continent, ainsi que des rotations sur le Maghreb.
L'offre de Patrick Rocca prévoit la création de la Compagnie maritime méridionale, qui doit se substituer à l'actuelle SNCM dans les 45 jours. Elle s'appuie sur les fonds propres de son groupe, lequel a réalisé un chiffre d'affaires de 81 millions d'euros en 2014 et présente une centaine de millions d'actifs.
Son plan, qui maintient l'équipe dirigeante de la SNCM et fait entrer les salariés au capital à hauteur de 10%, prévoit la reprise de 873 salariés, dont 612 navigants, 144 CDD et 28 salariés des filiales de la compagnie.
La reprise des actifs de la SNCM est d'un montant de 8,9 millions d'euros et suppose l'abandon des procédures de la Commission européenne, qui réclamait le remboursement des aides d'Etat illégales de 440 millions d'euros perçues par la SNCM.
L'exécutif européen avait signalé qu'il renoncerait à ce montant si la nouvelle compagnie avait un périmètre réduit qui ne perturbe pas la concurrence.
Trois autres candidats étaient en lice pour la reprise de la compagnie maritime placée en redressement judiciaire le 28 novembre 2014: l'armateur de droit mexicain Baja ferries, le corsortium d'entreprises Corsica Maritima et l'ancien président du port de Marseille, Christian Garin, associé à la société de transport maritime grecque Arista.
VERS UNE "COMPAGNIE APAISÉE" ?
Les juges ont notamment rejeté l'offre de Corsica Maritima, un "projet mal ficelé" à la "gouvernance mal établie" et aux "données chiffrées manquant de robustesse".
"Pour Patrick Rocca, la décision du tribunal n'est pas une victoire car elle passe par de nombreux licenciements", a déclaré Alain Guidi, l'avocat de Patrick Rocca, qui n'était pas présent à l'audience pour le rendu du délibéré.
"On a l'espoir d'une compagnie apaisée qui mette fin à la caricature de la SNCM", a-t-il ajouté.
Le tribunal a décrété l'exécution provisoire de sa décision, qui ne peut être mise en suspens par un éventuel appel d'un des candidats non retenus. Christian Garin, seul candidat présent à l'audience, a dit qu'il ne ferait pas appel du jugement.
Corsica Maritima avait annoncé jeudi sa volonté d'ouvrir de nouvelles lignes sur la Corse au départ de Toulon, dès 2016, si son offre n'était pas retenue par les juges.
Face aux "incertitudes" qui entourent les modalités du plan social de la future compagnie, les salariés ont déposé un préavis de grève de 24 heures reconductible à partir de samedi.
"Ce mouvement est une réponse aux conditions de reprise avec notamment des négociations sur le plan social qui ne sont pas abouties", a dit le secrétaire général CGT des "sédentaires", Jean-François Simmarano, déplorant la suppression de 583 contrats de travail au sein de l'entreprise.
Les négociations doivent se poursuivre lundi avec la tenue d'un comité d'entreprise au siège de la SNCM. "On attend aussi des réponses très précises de l'Etat", a ajouté le délégué CFE-CGC des navigants, Pierre Maupoint de Vandeul.
L'avocat de Patrick Rocca a estimé que ce conflit concernait "l'ancienne SNCM" et non la nouvelle compagnie voulue par son client. "On ne se préoccupe pas du passé mais de l'avenir."
(Edité par Yves Clarisse)