PARIS (Reuters) - La jeune femme qui a dénoncé Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel présumé des attaques du 13 novembre à Paris, et a permis d'éviter de nouveaux attentats, affirme ne pas se sentir suffisamment aidée et protégée par l'Etat.
Ce "témoin protégé", qui s'est confié à BFM TV et RMC, confirme le témoignage qu'elle avait fait aux enquêteurs sur sa rencontre avec le djihadiste, dont des extraits avaient déjà été publiés fin novembre par Valeurs actuelles.
La jeune femme, qui était une amie de longue date d'Hasna Aït Boulahcen, la cousine du djihadiste morte comme lui lors de l'assaut de la police à Saint-Denis, a raconté avoir été présente au moment de leur rencontre.
Rebaptisée "Sonia" par la radio, elle dit vivre très mal la précarité qu'impose sa situation, avec notamment de fréquents changements d'adresse et l'impossibilité de contacter ses proches, et réclame un dédommagement financier et moral.
"Ce que je leur demande, c'est de prendre en compte tous les désagréments qu'ils m'ont causé. Toutes les dépenses que j'ai effectuées. On nous a parlé de soutien psychologique, jusqu'à l'heure d'aujourd'hui, j'ai pas vu de psychologue", dit-elle.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a démenti que l'Etat ait "oublié" celle qui a joué un rôle fondamental dans la traque d'Abdelhamid Abaaoud, abattu le 18 novembre.
"J'estime que nous faisons ce qu'il faut dans un contexte extrêmement compliqué compte tenu du sujet et nous le faisons de façon extrêmement responsable", a-t-il dit sur Europe 1.
"Je pense que tous ceux qui diffusent des interviews et qui font du bruit sur ce sujet-là plutôt que de traiter discrètement cette question comme nous nous employons à le faire lui font prendre un risque", a-t-il ajouté.
90 DJIHADISTES AVEC ABAAOUD ?
"Sonia" avait téléphoné à la police après avoir entendu Abdelhamid Abaaoud se vanter d'avoir participé au commando qui a mitraillé des terrasses à Paris et annoncé son intention de commettre d'autres attentats, notamment à la Défense.
"Il est fier de lui, on dirait qu’il n’a peur de personne, que c’est un surhomme. Il raconte ça comme s’il racontait qu’il est parti faire les courses et qu’il avait trouvé un baril de lessive en promotion", raconte-t-elle.
Elle confirme que le coordinateur présumé des attentats a assuré être rentré en Europe au milieu de réfugiés syriens avec des dizaines de djihadistes irakiens, français, allemands et britanniques. "Il me dit qu’ils sont rentrés à 90, et qu’ils sont un peu partout en Ile-de-France", confirme-t-elle.
Dans son témoignage à la police, "Sonia" expliquait qu'Abdelhamid Abaaoud se serait vanté, le dimanche 15 novembre, d'être sur le sol français depuis "deux mois".
Moquant François Hollande, il aurait dit avoir profité du flux de réfugiés pour rejoindre l'Europe. Et d'ajouter : "La France, zéro."
Le djihadiste aurait aussi prévenu que d'autres attentats étaient en préparation "pour les fêtes", "qu'ils feraient pire dans les quartiers proches des juifs, et qu'ils feraient diversion dans les transports et les écoles".
Le parquet de Paris a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête judiciaire à la suite de la diffusion de ce témoignage par et d'un article sur ce même témoin publié par le site internet de l'hebdomadaire Le Point.
L'enquête pour violation et recel de violation du secret de l'instruction et mise en danger de la vie d'autrui s'attachera à déterminer les conditions dans lesquelles ces informations ont pu être recueillies, précise le Parquet dans un communiqué.
Selon Le Point, qui cite des procès verbaux remis aux juges d'instruction, des enquêteurs ont dévoilé l'identité de celle qui a mené les forces de l'ordre à la planque d'Abaaoud à Saint-Denis à deux hommes, aujourd'hui en détention, lors de leur interrogatoire : le logeur du djihadiste et un intermédiaire.
(Gérard Bon, avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)