par Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain
PARIS (Reuters) - Vivendi (PA:VIV) a sonné l'alarme jeudi sur les difficultés de ses chaînes Canal+ en France, allant jusqu'à évoquer une menace pour la pérennité du groupe de télévision payante dont le salut pourrait passer par un accord de distribution exclusive avec l'ex-ennemi beIN Sports.
Le groupe piloté par Vincent Bolloré a parallèlement annoncé le lancement d'une offre de rachat sur l'éditeur français de jeux vidéos Gameloft en dépit de l'hostilité affichée par ses dirigeants.
Jamais jusque-là, le groupe également propriétaire de la maison de disques Universal Music Group, ne s'était montré aussi alarmiste sur les difficultés du numéro un français de la télévision payante.
Concurrencé sur le front du sport, du cinéma et des séries par l'émergence des puissants beIN Sports, Netflix, Altice (AS:ATCE) et consorts, Canal+ a subi 405.000 résiliations d'abonnements en France en 2015, ce qui s'est traduit par une perte, pour la 4e année consécutive, de 264 millions d'euros.
Depuis 2012, les résiliations d'abonnements dépassent le million tandis que les pertes cumulées atteignent 600 millions, une situation qui ne peut pas perdurer aux yeux de la direction de Vivendi.
"Les difficultés expérimentées par la télévision payante de Canal+ menacent le groupe dans son ensemble qui emploie 8.200 personnes et qui est de loin le principal contributeur financier au cinéma et à la culture en France", a déclaré le président du directoire Arnaud de Puyfontaine.
"Il y a donc un urgent besoin de stopper les pertes", a-t-il ajouté lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.
Vivendi justifie par ce contexte difficile le projet d'accord de distribution exclusive pour cinq ans avec beIN Sports qui a conquis 2,5 millions d'abonnés en France avec ses offres à 13 euros mais perd 250 millions d'euros par an.
Canal+ n'a pas dévoilé les modalités de ses offres avec les chaînes qataries qui devront toutefois passer le barrage de l'Autorité de la concurrence. Vivendi est pour l'instant sous le coup d'une interdiction de distribuer une chaîne premium.
Outre l'accord avec beIN Sports, Vivendi, qui a remanié l'été dernier la direction de la chaîne cryptée, compte également repenser l'offre commerciale, refaire son retard en matière de technologie et réduire les coûts pour revenir à l'équilibre en 2018.
Si Canal+ est malmené en France, son chiffre d'affaires global est resté stable l'an dernier grâce à l'international où il a gagné 791.000 abonnements.
SIX EUROS PAR ACTION POUR CROQUER GAMELOFT
Dans son communiqué, Vivendi a parallèlement annoncé le lancement d'une OPA sur Gameloft dont il vient de franchir 30% du capital.
Le groupe piloté par Vincent Bolloré propose six euros par action, soit une prime de 22,9% sur le cours moyen pondéré des six derniers mois pour mettre la main sur la société soeur d' Ubisoft (PA:UBIP) dont Vivendi détient par ailleurs 14,9%.
Le groupe, dont la trésorerie atteint 6 milliards d'euros, pourrait ainsi débourser 367 millions pour s'offrir le spécialiste des jeux sur mobile, un segment en forte croissance.
"Notre offre n'est pas sollicitée mais elle est pour ce qui nous concerne amicale", a déclaré Arnaud de Puyfontaine.
Reste à savoir quel camp choisiront les investisseurs alors que la famille Guillemot, fondatrice de Gameloft, est récemment montée à près de 19% du capital pour tenter de résister aux assauts de Vivendi.
Ces annonces ont éclipsé les résultats conformes aux attentes publiés par Vivendi au titre de 2015.
Le chiffre d'affaires a progressé de 1,4% à 10,76 milliards d'euros porté par les ventes de la maison de disque Universal Music Group dont les artistes Taylor Swift et Justin Bieber comptent parmi les meilleures ventes de l'année.
Le résultat opérationnel ajusté (Ebita) a en revanche reculé de 7,4% à 942 millions, pénalisé par Canal+, tandis que le résultat net ajusté a progressé de 11,3% à 697 millions.
Le marché tablait en moyenne sur un chiffre d'affaires de 10,7 milliards d'euros, un Ebita de 977 millions et un résultat net ajusté de 681 millions, selon Thomson Reuters I/B/E/S.
Vivendi prévoit de verser au titre de 2015 un dividende de 3 euros par action.
(Edité par Jean-Michel Bélot)