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Brésil: la lutte anti-corruption, néfaste pour l'économie?

Publié le 27/03/2016 08:24
Manifestation contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff devant la Cour suprême au Brésil, à Brasilia, le 23 mars 2016 (Photo Andressa Anholete. AFP)

Manifestation contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff devant la Cour suprême au Brésil, à Brasilia, le 23 mars 2016 (Photo Andressa Anholete. AFP)

Lui-même accusé de corruption, l'ex-président brésilien Lula a fait cette semaine une étonnante mise en garde: la lutte contre ce fléau, au centre du séisme politique secouant le pays, pourrait bien nuire à l'économie, en paralysant les entreprises incriminées.

"Ce combat contre la corruption est une nécessité pour le pays", a reconnu Luiz Inacio Lula da Silva, à la tête du Brésil de 2003 à 2010, avant de se demander "s'il n'est pas possible de combattre la corruption sans fermer des entreprises (...) ni causer de chômage".

Au-delà du cynisme apparent de ses déclarations, prononcées mercredi lors d'une rencontre avec des syndicalistes à Sao Paulo, la question fait débat chez les économistes et analystes.

Pour se justifier, l'ancien ouvrier métallurgiste et leader syndical n'a pas hésité à citer un rapport... du Fonds monétaire international (FMI).

A cause de "la panique suscitée dans la société brésilienne" par le méga-scandale de corruption autour du groupe pétrolier d'Etat Petrobras, le FMI a creusé de 2,5 points de pourcentage sa prévision de récession au Brésil cette année, à -3,5%, après -3,8% en 2015, a affirmé Lula.

"Quand tout cela sera fini, il se peut qu'il y ait beaucoup de gens en prison, mais il se peut aussi qu'il y ait des millions de chômeurs", a prévenu l'ex-président sous les applaudissement des syndicalistes, peu habitués à ovationner les références au FMI.

Sous l'effet de la crise économique, le chômage a atteint en février 8,2% de la population active, le plus haut depuis 2009 à cette époque de l'année.

- Confiance en berne -

En aggravant son pronostic en janvier, l'économiste en chef du FMI, Maurice Obstfeld, citait comme motif la "configuration politique", avec les retombées du scandale Petrobras, qui ont même rattrapé Lula, et la menace d'une destitution pour la présidente Dilma Rousseff, pour maquillage présumé des comptes publics.

Ce contexte "a miné la confiance, tout comme la constante détérioration des perspectives budgétaires", notait-il.

Dans un pays en pleine tempête politico-judiciaire, les déclarations de Lula ont fait réagir.

"L'opération (de démantèlement du réseau Petrobras) n'a créé aucun préjudice (...) et a déjà permis de récupérer plus de 3 milliards de réais" (environ 800 millions de dollars), ainsi que des biens et immeubles, a rétorqué le président de l'Association des juges fédéraux du Brésil (Ajufe), Antonio César Bochenek.

"C'est la corruption, accentuée par l'impunité, qui cause de lourds préjudices à l'économie", a insisté M. Bochenek, cité par le journal O Estado de Sao Paulo.

Mais pour Gesner Oliveira, professeur d'économie à la Fondation Getulio Vargas (FGV) à Sao Paulo, on ne peut nier que la lutte contre la corruption implique "des coûts et des bénéfices", même si les premiers peuvent être atténués.

L'enquête a révélé un gigantesque réseau de pots-de-vins, versés par des groupes de construction à Petrobras et à des politiciens pour décrocher des appels d'offres.

- Crédit coupé -

Dans cette affaire, près d'une centaine de personnes ont déjà été condamnées, dont des cadres de Petrobas et les patrons de géants du BTP, comme Marcelo Odebrecht, président du groupe homonyme, condamné à 19 ans et six mois de prison.

Conséquence : "le système bancaire a coupé le crédit aux entreprises impliquées et à toutes celles liées aux chantiers publics", explique M. Oliveira.

Selon le cabinet de consultants OG Associados, dont M. Oliveira fait aussi partie, la lutte contre la corruption coûte environ "3,6 points de pourcentage du PIB" au Brésil.

Petrobras a suspendu jusqu'à la fin de l'année le paiement de surcoûts dans ses chantiers, sur des soupçons de corruption, laissant à la rue 12.000 salariés, selon le magazine IstoE, tandis que de grands cimentiers, étranglés financièrement, ont dû mettre en suspens certains projets.

Pour M. Oliveira, "le combat contre la corruption est prioritaire, mais ses effets peuvent être atténués", par exemple en nouant avec les entreprises incriminées "des accords d'+indulgence+ qui permettent de punir les responsables mais sans exclure les groupes des appels d'offres publics".

Plus important encore, selon lui : pour qu'un tel scandale "ne se reproduise pas", il faut "améliorer la gouvernance" au sein des entreprises, aussi bien publiques que privées.

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