par Chang-Ran Kim et Kate Holton
LONDRES/TOKYO (Reuters) - Le groupe télécoms japonais SoftBank a annoncé lundi une OPA amicale de 24,3 milliards de livres (29,1 milliards d'euros) sur le concepteur britannique de puces ARM, ce qui en fait l'une des principales opérations jamais réalisées dans le secteur technologique européen et la plus importante conduite par le groupe nippon.
ARM a dit que les conseils d'administration des deux groupes étaient parvenus à un accord sur les conditions de l'opération qui s'effectuera en numéraire sur la base de 17 livres par action, représentant une prime d'environ 43% par rapport à son cours de clôture de vendredi. Les actionnaires d'ARM recevront par ailleurs un dividende.
A la Bourse de Londres, l'action ARM a bondi de plus de 47% dans les premiers échanges, atteignant un record de 1.752 pence, avant de se stabiliser pratiquement au prix de l'offre à 1.699 pence.
Softbank (T:9984) a dit qu'il entendait préserver l'organisation actuelle d'ARM et qu'il maintiendrait en particulier son siège social en Grande-Bretagne, à Cambridge. Le groupe japonais s'est aussi engagé à au moins doubler les effectifs d'ARM en Grande-Bretagne et à les accroître dans le reste du monde au cours des cinq prochaines années.
ARM, première capitalisation du secteur technologique à la Bourse de Londres, est très présent dans les processeurs pour appareils mobiles et ses technologies sont utilisées par Samsung (KS:005930), Huawei et Apple (NASDAQ:AAPL) pour la fabrication de leurs propres processeurs.
Le nouveau ministre des Finances, Philip Hammond, puis la Première ministre, Theresa May, ont salué l'opération qui, selon eux, montre que la Grande-Bretagne n'a pas perdu de son attrait pour les investisseurs internationaux depuis le vote du 23 juin en faveur d'une sortie de l'Union européenne.
Selon une source proche du dossier, SoftBank a contacté ARM après le référendum et a mené à bien son projet bien qu'ayant calculé que la dépréciation de la livre en avait accru le prix d'environ 7%. Le groupe japonais a ensuite pris soin d'informer le gouvernement pendant le week-end.
NOUVEAUX AXES DE DÉVELOPPEMENT
Pour Softbank, contrôlé par le milliardaire japonais Masayoshi Son, le rachat d'ARM dépasse l'acquisition d'une participation majoritaire dans l'opérateur mobile et fournisseur d'accès internet américain Sprint pour 21,6 milliards de dollars réalisée en 2013 et qui avait fortement alourdi son endettement.
"C'est l'une des plus importantes acquisitions que nous ayons jamais réalisée et je m'attends à ce qu'ARM soit l'un des principaux piliers de la stratégie de croissance de SoftBank à l'avenir", a déclaré Son dans un communiqué.
L'opération intervient moins d'un mois après son annonce de l'abandon du projet de se retirer des affaires qui avait provoqué le départ de son successeur désigné, Nikesh Arora, ancien cadre dirigeant de Google (NASDAQ:GOOGL).
Masayoshi Son, 58 ans, a dit vouloir rester à la tête du groupe qu'il a fondé pour assurer sa transformation en un géant de l'investissement dans les nouvelles technologies en privilégiant l'intelligence artificielle et l'internet des objets qui sont aussi les nouveaux axes de développement d'ARM, confronté au ralentissement du marché des téléphones mobiles.
ARM avait annoncé en mai le rachat pour 350 millions de dollars (316,5 millions d'euros) de son compatriote spécialisé dans la reconnaissance d'images par ordinateur, Apical.
Le groupe nippon a de son côté dit avoir levé ces derniers mois près de 2.000 milliards de yens (19 milliards de dollars) par le biais de cessions d'actifs, dont une partie de sa participation dans le géant chinois du commerce en ligne Alibaba.
Ces annonces, qui tranchaient avec ses habitudes de ne pas revendre ses acquisitions, avaient été interprétées comme une volonté de désendettement ou de mieux rémunérer ses actionnaires par des rachats d'actions. SoftBank était endetté à hauteur de 11.900 milliards de yens à fin mars, soit 3,8 fois son résultat d'exploitation, dont 4.000 milliards de dette liée à Sprint.
Masayoshi Son a dit être confiant dans l'obtention des autorisations réglementaires et a ajouté ne pas s'attendre à une contre-offre, ce que confirment les analystes de Jefferies.
"La position de SoftBank en dehors du secteur des semi-conducteurs permet à ARM de conserver son indépendance et protège ses relations commerciales existantes", écrivent-ils dans une note. "Son engagement à investir au Royaume-Uni lui assure d'autre part le soutien du management. C'est difficile d'imaginer d'autres prétendants à ce stade."
Le PDG de SoftBank a tenu des propos positifs sur la situation politique à Londres, disant espérer que le rachat d'ARM "donne confiance à d'autres qui pourraient être intéressés par des investissements au Royaume-Uni en dépit des inquiétudes sur le Brexit".
ARM, qui avait prévenu que le Brexit pourrait avoir des conséquences négatives sur ses effectifs, réalise toutefois l'essentiel de ses facturations en dollars et bénéficie d'un portefeuille de brevets et de licence diversifié.
L'action ARM avait d'ailleurs progressé de près de 17% depuis le vote en faveur du Brexit.
(Marc Joanny et Véronique Tison pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)