L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a mis en garde mardi contre un "ralentissement marqué" de l'économie mondiale si le prix du pétrole devait rester aux niveaux élevés actuels, dans son rapport mensuel qui revoit de nouveau en légère hausse sa prévision de demande de brut.
"Si les prix restent aux niveaux actuels ou continuent de grimper, d'ici septembre 2011, voire plus tôt, l'économie mondiale pourrait connaître un ralentissement marqué", prévient l'AIE, qui représente les intérêts des pays industrialisés.
"Evaluer l'impact du prix est notoirement difficile", reconnaît l'agence, qui cite toutefois des études selon lesquelles une hausse de 10% des cours du brut ampute le produit intérieur brut (PIB) mondial de 0,2 à 0,7 points de pourcentage après un an, et jusqu'à deux fois ces chiffres l'année suivante.
Or pour l'instant, à environ 115 dollars, le baril vaut 50% de plus qu'en 2009-2010, rappelle-t-elle. S'il ne redescend pas, "la croissance du PIB mondial en 2011 pourrait être entre 1 et 3,5 points de pourcentage en-dessous de la prévision de 4,3% avancée par le Fonds monétaire international (FMI)", prévient l'AIE.
L'agence, dont le siège est à Paris, a par ailleurs pour le sixième mois consécutif revu en hausse, légère, sa prévision de demande mondiale d'or noir de 90.000 barils par jour par an en 2010 et 2011. La consommation a été d'environ 87,9 millions de barils par jour (mbj) l'an dernier (+3,4% par rapport à 2009) et devrait atteindre 89,4 mbj cette année (+1,6%).
Mais les prix qui demeurent élevés représentent "un risque significatif" pour la fiabilité de ces prévisions, estiment les experts.
L'agence ne fait pas d'estimation pour l'instant des conséquences du séisme de vendredi au Japon sur la demande de pétrole mondiale.
L'envolée des cours de l'or noir depuis le début de l'année est liée aux tensions dans les pays arabes. "En réalité, seule la production libyenne de 1,6 mbj de brut est affectée pour l'instant", mais la flambée s'explique aussi, selon l'AIE, par "le sentiment des marchés, bien que mal avisé, selon lequel les installations en Arabie saoudite (...) pourraient être visées" et par "l'ombre de l'instabilité qui plane sur l'Iran, l'Irak, le Yémen et d'autres producteurs régionaux".
L'AIE dit donc regarder de près les situations en Libye et au Japon, prête à "mobiliser ses 1,56 milliards de barils de stocks gouvernementaux stratégiques" pour alléger, si besoin, les tensions.
En ce qui concerne la production mondiale de pétrole, elle a atteint en février un plus haut historique, à près de 89 mbj, en hausse de 0,2 mbj par rapport au mois précédent. L'offre des Etats non membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a plus que compensé la diminution de la production libyenne.
Cette dernière a baissé de 195.000 barils par jour en moyenne en février, à 1,385 mbj. Mais "au 11 mars, il apparaissait que la production était réduite à une peau de chagrin, notamment en raison des combats", affirme l'AIE.
"Ce qui devient plus clair, c'est que les exportations du pays, soit environ 1,3 mbj, resteront à l'écart du marché pour un temps considérable en raison des dégâts infligés par la guerre aux infrastructures pétrolières, et aux sanctions internationales", ajoute l'AIE.
Un certain nombre de membres de l'Opep ont déjà augmenté leur offre pour compenser cette baisse, notamment l'Arabie saoudite. "Mais avec la Libye désormais en état de guerre civile généralisée et avec sa production réduite à une peau de chagrin, d'autres pays de l'Opep devront accroître leur offre dans les semaines et mois à venir", estime l'agence.