Le site internet du journal économique français La Tribune teste depuis un mois la traduction automatique par logiciel de ses articles dans plusieurs langues, produisant parfois, du moins en anglais, des résultats étonnants, voire comiques.
Le titre "Ryanair prêt à faire voyager des passagers debout" devient par exemple "Ryanair loan to make travel of the passengers upright", ce qui pourrait se traduire en français par "le prêt (bancaire) de Ryanair va faire le voyage des passagers debout".
Autre bizarrerie sur des dizaines relevées par les anglophones, le titre "Les chinois en embuscade" dans un secteur automobile en pleine restructuration devient "Chinese car in ambush", ce qui sonne aussi faux en anglais que "La voiture chinoise derrière la porte" en français.
Et certains anglophones de se tordre de rire à la lecture de la traduction du mot porte-parole (spokesman en anglais) qui devient un improbable "door word"...
"C'est vraiment en phase expérimentale pour le moment", a expliqué à l'AFP Astrid Arbey, directrice des nouveaux médias du site du deuxième journal économique le plus vendu en France. Elle précise toutefois que la direction espère pouvoir lancer le site officiellement à l'automne. Selon elle, le logiciel est progressivement amélioré et devrait permettre de parvenir à un résultat "presque parfait" lors du lancement.
Aux traductions instantanées actuellement disponibles par intermittence sur le site en espagnol, allemand et italien et anglais, devraient s'ajouter d'ici à la fin de l'année celles en chinois et japonais. Et une deuxième personne devrait être affectée au suivi des traductions en anglais.
L'objectif est "de pouvoir proposer toute l'actualité économique dans différentes langues pour toucher un nouveau public sur internet", dit Mme Arbey.
Une initiative qui est loin de convaincre la rédaction du journal La Tribune. Certains journalistes, sous couvert d'anonymat, dénoncent des méthodes typiques d'Alain Weill, PDG du groupe NextRadioTV (BFM radio et télévision, RMC) qui a racheté le journal en février 2008.
"C'est du low-cost. C'est un peu à l'image d'Alain Weill qui veut aller vite sans mettre les moyens", résume l'un d'eux. Pour lui, ces traductions ne sont "pas crédibles et nuisent à l'image du journal qui se veut sérieux" et destiné aux professionnels du monde économique et de la finance.
La plupart des articles en anglais sont compréhensibles, même s'ils écorchent la langue de Shakespeare. Mais les logiciels de traduction, affirme le moteur de recherche Google sur son site de traduction automatique, ne peuvent pas "avoir la connaissance d'un natif ou posséder la maîtrise d'un traducteur professionnel".
En France, aucun autre journal n'a pour l'heure tenté l'expérience. En Espagne, l'agence de presse EFE utilise depuis des années des logiciels de traduction pour le catalan et le portugais mais le résultat est relu et corrigé par des journalistes.
"Ce système est possible parce qu'il s'agit de langues proches espagnol/portugais ou espagnol/catalan. En revanche, nous ne pensons pas que ce soit faisable par exemple pour l'anglais et nous avons des traducteurs", a expliqué à l'AFP un porte-parole d'EFE.
Le groupe britannique BBC a lui choisi un tout autre modèle. Son site est disponible en 30 langues différentes, et le service qui s'en occupe emploie des centaines de journalistes.
"L'idée de base de la BBC c'est que si vous voulez qu'une information ait une portée, il faut que ce soit fait par des journalistes", affirme Mike Gardner, porte-parole du groupe, se refusant toutefois à commenter l'expérience de La Tribune.