Moins de cinq ans après avoir bouleversé le marché de la téléphonie mobile en France avec un forfait à deux euros, Iliad part à l'assaut de l'Italie, un défi qui pourrait s'avérer plus ardu, selon des experts.
Étonnamment, ce sont les opérateurs locaux qui laissent entrer le loup dans la bergerie: afin que la Commission européenne valide leur fusion, Wind et 3 ont dû accepter de se délester d'une partie de leurs fréquences et antennes et choisi Iliad comme acquéreur.
Dans l'attente d'un réseau complet, le groupe français --qui deviendra le quatrième opérateur italien-- pourra utiliser leur réseau pour l'accès à la 2G, 3G, 4G et même 5G, pendant 5 ans, renouvelables une fois.
Il se retrouvera en concurrence avec le nouvel ensemble Wind-3 --qui deviendra numéro un une fois la fusion finalisée--, avec l'opérateur historique Telecom Italia (MI:TLIT) --actuel n°1- et Vodafone (LON:VOD) sur un marché où les positions seront très proches entre les trois groupes.
"Nous sommes très confiants sur notre capacité à réussir notre installation" en Italie où Iliad compte développer "rapidement une offre agressive", a récemment déclaré son directeur général Maxime Lombardini, sans préciser le calendrier.
En France, une année avait été nécessaire à l'opérateur pour se lancer dans le mobile ce qui laisse envisager ses premières offres pour la fin 2017 dans la péninsule.
Le but d'Iliad est de franchir rapidement la barre des 10% de part de marché, ce qui lui permettrait d'atteindre l'équilibre, avec un investissement total estimé par la presse italienne à 1,8 milliard d'euros, dont 450 millions confirmés par le groupe pour l'acquisition de fréquences.
Cet objectif ne semble pas farfelu: en moins de cinq ans, le groupe de Xavier Niel s'est adjugé une part de marché de 17,4% dans l'Hexagone, continuant de progresser.
Selon l'analyste Peter Boyland, de IHS Markit, l'opérateur devrait logiquement accentuer "la pression concurrentielle" en Italie, avec des offres "très agressives" qui "auront un impact fort auprès des consommateurs sensibles aux prix" dans un pays où l'économie est loin d'être florissante.
Pour autant, souligne Alessandro Perego, professeur à l'Ecole polytechnique à Milan, le contexte dans lequel Iliad arrive est "complètement différent" de la France de 2012, où "la moyenne des tarifs était nettement plus élevée" et "la marge importante pour baisser les prix".
- Ticket d'entrée faible -
En Italie, "il y a déjà eu une bataille sur les prix", et en six ans, le marché mobile, majoritairement composé du pré-payé contrairement à la France, y a perdu 30% de sa valeur, note-t-il.
Aujourd'hui, les offres les plus basses tournent autour de 7-9 euros, ce qui laisse une marge de manœuvre limitée.
Surtout dans un pays où le revenu par abonné (Arpu) est l'un des plus faibles d'Europe occidentale: 12 euros par mois en 2015 contre 18 euros au Royaume-Uni et même 21 euros en France, selon M. Boyland.
Autre différence: Free avait "pu compter sur sa marque et sa base de clients", très solide, dans l'internet, pour se développer dans le mobile, explique M. Perego, alors qu'en Italie il est quasi-inconnu et part sans base fixe.
Mais le groupe français compte y remédier et a reconnu "des contacts" avec l'énergéticien italien Enel (MI:ENEI), qui se lance sur le marché de la fibre optique, afin d'envisager des offres couplées fixe-mobile.
Par le passé, Xavier Niel s'est déjà essayé au marché télécoms européen, avec l'acquisition en 2015 en Suisse de l'opérateur rebaptisé Salt, avec lequel il a misé sur la baisse des prix et d'importantes campagnes publicitaires pour bousculer le marché.
Avec un succès mitigé: au premier semestre 2016, Salt a perdu 119.000 clients prépayés pour ne récupérer que 18.000 abonnés, selon le quotidien Le Temps, dans un marché toujours dominé par Swisscom.
Pour le président du cabinet Stallych Consulting, Stéphane Dubreuil, la réussite d'Iliad ne fait cependant aucun doute, tant le ticket d'entrée, qu'il estime à un milliard sur cinq ans, est faible.
"Ils arrivent sur un marché où, si la 4G est déployée, les usages sont plus faibles qu'ailleurs en Europe car les opérateurs ne veulent pas sacrifier leurs marges. C'est à ce niveau que Free compte faire sauter la barrière", anticipe-t-il.
Avec de réels atouts: un contrat d'itinérance plus généreux que celui qui le lie à Orange en France, des milliers de points hauts pour une bonne couverture et un portefeuille de fréquences quatre fois plus important que dans l'Hexagone en 2012.