"Peut mieux faire": le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a sommé ses services de revoir leur copie sur un avant-projet controversé encadrant la suppression, prévue pour juin 2017, des frais d'itinérance téléphonique en Europe.
Ce texte, présenté lundi, fixait un seuil minimal de 90 jours par an, pendant lesquels un consommateur était assuré de pouvoir utiliser son téléphone à l'étranger sans devoir payer de frais supplémentaires.
Un progrès indéniable certes, mais bien loin de la promesse initiale de la Commission, annoncée en grande pompe en 2015: l'abolition totale et sans limite des frais d'itinérance pour le 15 juin 2017.
A trois reprises, cette semaine, les journalistes demandent donc à l'exécutif européen de s'expliquer.
"Les Européens qui voyagent le font en moyenne 12 jours par an !", répond un porte-parole. "Les frais d'itinérance ont baissé de plus de 90% en 2007", souligne un autre. Insuffisant.
Viennent en parallèle les tweets et les communiqués des eurodéputés déplorant cette promesse non tenue, qui touche de plein fouet les préoccupations concrètes de leurs électeurs.
Quatre jours d'escarmouches et Jean-Claude Juncker siffle la fin de la partie. "A la lumière des premiers retours", il "a donné l'instruction à ses services de retirer ce texte et de travailler à une nouvelle proposition", "quelque chose de mieux", a expliqué vendredi Alexander Winterstein un porte-parole de la Commission, en conférence de presse.
L'initiative du président de la Commission est plutôt rare au sein de l'UE, où les propositions de textes, surtout techniques, évoluent le plus souvent au fil des discussions entre la Commission, les comités d'experts et les représentants des États membres.
Qu'attend Jean-Claude Juncker du nouveau texte ? Son porte-parole n'en dit rien, se bornant à réaffirmer que "les frais d'itinérance vont être totalement abolis en juin 2017".
Pour les détails, il faudra attendre. Très probablement "la semaine prochaine", à l'occasion de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, laisse-t-il entendre.
Jean-Claude Juncker doit y prononcer mercredi matin son très attendu discours annuel de rentrée sur "l'état de l'Union".
- "Éviter les abus" -
Parmi les pistes explorées, selon une source européenne, la prise en compte de besoins plus spécifiques, comme ceux des étudiants, des élus ou des journalistes.
Les travailleurs frontaliers, eux, bénéficiaient déjà d'un statut plus favorable.
"Il y a des étudiants Erasmus ou des voyageurs qui franchissent les frontières durant plus de trois mois" par an, souligne Kathleen Van Brempt, vice-présidente du groupe des Socialistes et Démocrates au Parlement européen. "Nous devons tenir notre promesse."
Le président du groupe du Parti populaire européen (PPE, centre-droit et droite), Manfred Weber, attend pour sa part "un signal fort".
En fixant ce seuil minimum de 90 jours, avec un maximum de 30 jours d'affilée, Bruxelles entendait lutter contre d'éventuels abus des consommateurs.
Par exemple en évitant qu'une personne achète une carte SIM dans un pays où les tarifs sont peu élevés pour utiliser son smartphone toute l'année dans un autre pays.
Des propositions qui n'empêchent en rien les opérateurs de continuer à proposer des forfaits illimités ou avec un très grand volume de données dans l'ensemble de l'Europe toute l'année, comme c'est déjà le cas actuellement dans certains pays.
Les frais supplémentaires éventuellement imposés devaient s'élever à 4 centimes par minute de communication, un centime par SMS et 0,85 centime par mégabit de données, des tarifs encore en cours de validation.
De telles mesures, qui "constituent une garantie pour éviter les abus", sont "essentielles pour un fonctionnement adéquat du marché européen des télécoms", a rappelé vendredi l'Association des opérateurs de télécoms européens (Etno), défendant les mesures d'encadrement.
Le texte retiré devait être adopté le 15 décembre, une date qui n'a pour l'instant pas été modifiée.