PARIS (Reuters) - (Au 1er paragraphe, bien lire lundi)
Des juges d'instruction parisiens ont rendu le 11 juillet un non-lieu pour les responsables du groupe suisse de matériaux de construction Eternit, a annoncé lundi l'Association des victimes de l'amiante (AVA), un matériau cancérigène.
L'AVA dénonce dans un communiqué une volonté selon elle délibérée des magistrats instructeurs du pôle de santé publique de Paris de "mettre un terme par des non-lieux à toutes les affaires engagées par les victimes de l'amiante depuis 23 ans".
"C'est un véritable déni de justice", a pour sa part déclaré à Reuters le secrétaire national de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), Alain Bobbio. "Les magistrats, après plus de 20 ans d'instruction, n'ont écouté que le point de vue des employeurs."
L’amiante a fait des dizaines de milliers de victimes en France, qui meurent encore au rythme de 2.000 à 3.000 chaque année, 20 ans après l’interdiction de ce produit, selon les estimations. Selon Alain Bobbio, il y a eu 147 morts reconnus à cause de l'amiante dans la seule usine de Vitry-en-Charollais.
Comme d'autres dossiers d'intoxication à l'amiante, les juges d'instructions estiment notamment dans leur ordonnance que l'impossibilité de dater précisément la contamination rend aussi impossible l'incrimination de personnes.
Un argument qui fait bondir les associations de défense des victimes et leurs avocats. "Cela ne tient pas la route une seconde", a ainsi déclaré à Reuters Me Michel Ledoux, avocat des salariés de trois usines d'Eternit.
L'AVA et l'Andeva ont annoncé qu'elles allaient faire appel de ce non-lieu, qui concerne tous les sites d'Eternit.
Mais l'AVA compte surtout sur une citation directe à laquelle plus de mille victimes se sont jointes à ce jour et qui sera déposée officiellement en septembre prochain.
Cette citation directe, qui vise les "responsables nationaux" de la catastrophe sanitaire de l'amiante, doit permettre de contourner l'instruction et la décision du 11 juillet, explique l'association.
"C'est pour nous le moyen d'obtenir un procès pénal", a expliqué à Reuters l'un de ses dirigeants, Michel Parigot.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a annulé en 2017 la mise en examen des principaux responsables nationaux présumés dans deux dossiers de l’affaire de l’amiante.
Il s'agit de neuf hauts fonctionnaires, scientifiques et industriels, dont un ex-directeur général de la Santé et des membres du Comité permanent amiante (CPA), qui avaient été mis examen en 2011-2012 pour homicides et blessures involontaires.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)