Les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 152 fois le Smic en 2010, soit 2,46 millions d'euros, un écart qui pourrait relancer le débat sur le plafonnement des rémunérations patronales, en plein essor des revendications salariales et recul du pouvoir d'achat des Français.
Selon Les Echos, les rémunérations des dirigeants des quarante plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Paris ont atteint 98,3 millions d'euros en 2010, en hausse de 24% par rapport à 2009, où elles avaient reculé de 20%.
En moyenne, les patrons du CAC 40 ont perçu 2,4 millions d'euros en 2010 d'émoluments en espèces (fixe et variable, hors stock-options et actions gratuites), soit 208.300 euros par mois, soit plus de 152 fois le Smic.
A titre de comparaison, le salaire moyen d'un dirigeant de PME est de 50.000 euros par an et celui d'un dirigeant d'une entreprise moyenne est de 200.000.
Alors que les Français sont confrontés à une érosion de leur pouvoir d'achat provoquée par l'inflation, qui les affecte dans leurs dépenses quotidiennes les plus essentielles, ces chiffres ne devraient pas manquer de relancer le débat sur le plafonnement des rémunérations des dirigeants.
Le Parti socialiste a proposé, dans son projet pour 2012, de plafonner les salaires des dirigeants des entreprises dont l'Etat est actionnaire.
"Le principe me choque", a réagi la ministre de l'Economie Christine Lagarde, appelant plutôt à renforcer la "transparence" dans ce domaine.
En 2008, après plusieurs scandales autour d'indemnités de grands patrons, le Medef et l'Association française des entreprises privées avaient adopté un code éthique, qualifié de "révolution" par la patronne des patrons Laurence Parisot.
Mais pour Pierre-Yves Gomez, président de l'Institut français de gouvernement des entreprises, ce code a bien plutôt contribué à rendre "normale" et "naturelle" une situation qui ne l'est pas.
"Avec la sortie de crise, on a mis en place un système où le dirigeant peut dire: +je prends 1,5 million et c'est normal+. Ce n'est plus lié à la question de la valeur du dirigeant", dit l'économiste, déplorant que cela ne fasse même plus débat au sein du patronat.
A ses yeux, un dirigeant fait exception: Michel Rollier, gérant de Michelin, dont la rémunération, qui consiste uniquement en un "bonus" versé en cash, est entièrement indexée sur la performance de l'entreprise.
Après une chute de 300% en 2009, sa rémunération a rebondi de 505% en 2010, en raison du bond de 1.000% du bénéfice du fabricant de pneumatiques.
Avec 4,5 millions d'euros perçus en 2010, M. Rollier est en tête des patrons les mieux payés du CAC 40, devant Frank Riboud, PDG de Danone, et Bernard Arnault, PDG de LVMH, qui s'octroient respectivement 4,4 et 3,9 millions d'euros.
Pour Pierre-Henry Leroy, président de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest, "l'autocensure ne fonctionne pas: les patrons trouvent normal" de gagner autant d'argent et "ils se comparent tous avec le marché américain, qui est la référence".
Cette "grave défaillance de l'élite" n'est pas sans rappeler l'attitude de "l'aristocratie" d'avant 1789, selon M. Gomez, citant l'anecdote d'une comtesse qui avait "vendu une terre pour s'acheter un miroir".
"S'il n'y a pas d'autorégulation, c'est à la puissance publique de prendre ses responsabilités pour le bien commun", assène l'économiste.
D'autant que les inégalités ont "fortement" progressé en France, en raison de l'augmentation rapide des salaires "au plus haut niveau de hiérarchie", souligne le sociologue Olivier Godechot dans une étude publiée sur Laviedesidées.fr.
Les 100 cadres les mieux payés de la finance ont ainsi vu leur salaire multiplié par 8 entre 1996 et 2007, contre 3,3 pour les 100 PDG les mieux payés, un multiple équivalent à celui des sportifs.