Facétieux, le singe emblème de 2016 a confirmé sa réputation: la Bourse de Tokyo a virevolté au gré des chocs mondiaux. Bien mal engagée, la trajectoire s'est redressée à la fin, mais la présidence Trump laisse augurer une année du coq pleine de surprises.
En chute de près de 15% le 9 novembre par rapport à fin 2015, l'indice vedette Nikkei 225 a rebondi après l'élection du magnat de l'immobilier aux Etats-Unis, sur la foi de promesses d'investissements massifs.
Au final, le Nikkei a terminé 2016 sur un très léger gain annuel de 0,42% à 19.114,37 points. Il enchaîne ainsi sa cinquième année positive d'affilée (dont un envol de 56% en 2013).
"Donald Trump a changé la donne", résume Hisao Matsuura, de Nomura Securities, interrogé par l'AFP. Déprimés par des politiques monétaires jugées de moins en moins efficaces, "les marchés se focalisent désormais sur le plan de relance américain".
Une chose est sûre: au Japon, la magie "abenomics", du nom de la stratégie lancée il y a quatre ans par le Premier ministre Shinzo Abe, s'est bel et bien volatilisée. Les investisseurs étrangers, qui avaient déserté Tokyo avant la victoire de M. Trump à un rythme comparable à 2008, "sont fatigués du Japon", où la croissance reste atone, estime M. Matsuura.
A la rare exception des décisions de la banque centrale, très active cette année, "la Bourse est mue par des nouvelles mondiales, pas japonaises", insiste-t-il. Ralentissement de l'économie chinoise en janvier, puis Brexit en juin et enfin la surprise Trump à l'automne: à chaque fois, le Nikkei a, fût-ce brièvement, accusé le coup plus qu'ailleurs, plongeant de quelque 5 à 8% selon les cas.
La faute au yen, valeur refuge, qui s'apprécie à chaque secousse, menaçant les revenus des groupes exportateurs. "Il y a aussi un traumatisme lié à la crise Lehman Brothers", la crainte qu'un scénario catastrophe ne se répète, ajoute Kazuhiro Takahashi, de Daiwa Securities. Pourtant aucun de ces chocs cette année "n'a eu d'impact significatif sur l'économie japonaise".
- Incertitudes -
Difficile de prédire ce que sera 2017.
Les pessimistes pronostiquent un effet pschitt. "Nous sommes convaincus que la mini-bulle générée par Trump - une atmosphère euphorique dans laquelle les investisseurs se concentrent uniquement sur les aspects positifs des "trumponomics" - va se retourner. La question est quand, dans quelle mesure et par quel élément déclencheur ?", souligne dans une note Yasunari Ueno, économiste en chef chez Mizuho Securities.
Les autres veulent croire à une tendance durable. "Même en mettant de côté l'effet Trump, l'économie dans le monde s'oriente clairement dans une bonne direction", a jugé le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda, lors d'une récente interview au quotidien des affaires Nikkei.
Toutefois, "il est vrai que des incertitudes subsistent sur le contenu des politiques de l'administration Trump, sur le paysage politique européen, du fait d'un certain nombre d'élections à venir," ou encore sur la solidité des marchés émergents, a tempéré le gouverneur. Il admet en outre que l'archipel a encore du chemin à faire pour vaincre la déflation.
Malgré ces inconnues, l'analyste Takahashi imagine un Nikkei au-delà des 21.000 points en 2017, voire des 23.000 points si le dollar reste au-dessus de 115 yens, alors qu'il est tombé à 99 yens au plus bas de 2016.
Sur le front des valeurs, le réseau social Line a fait en juillet une entrée réussie sur le Tokyo Stock Exchange, une des plus importantes pour le secteur des technologies dans le monde, selon l'agence financière Bloomberg.
L'été a par ailleurs été marqué par la frénésie Pokemon Go, jeu de réalité augmentée, qui a fait s'envoler l'action Nintendo, créateur de ces monstres de poche, de 120% en huit séances. Au point que, même s'il n'a pas lui-même développé le jeu, la capitalisation boursière du groupe a momentanément dépassé celle de Sony (T:6758). Bilan vendredi: une hausse de 46,5% sur l'année.
Enfin, l'année 2016 s'est conclue par une hécatombe du côté de Toshiba qui a effacé ces derniers jours quasiment tous ses gains des douze mois précédents, sur fond d'inquiétudes sur sa situation financière.