PARIS (Reuters) - La décision des autorités françaises d'autoriser la tenue dimanche d'un meeting en faveur d'une réforme constitutionnelle en Turquie, en présence du chef de la diplomatie turque, a été vivement critiquée par l'opposition qui a dénoncé une "rupture de la solidarité européenne" et une "caution" apportée au régime de Recep Tayyip Erdogan.
Le ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu s'est exprimé pendant une petite demi-heure en début d'après-midi au centre des congrès de Metz, à l'invitation de l'Union des démocrates turcs européens (UETD).
La veille, il avait été refoulé des Pays-Bas par les autorités néerlandaises qui avaient expliqué ne pas accepter que des ministres "turcs mènent publiquement des campagnes politiques aux Pays-Bas" et avaient invoqué un risque de "trouble à l'ordre public".
Les Pays-Bas, a-t-il accusé dimanche à Metz, sont "la capitale du fascisme".
Plusieurs meetings ont également été annulés dans plusieurs villes d'Allemagne - suscitant l'ire de Recep Tayyip Erdogan qui a accusé les autorités allemandes de "pratiques nazies" - mais également en Autriche, en Suède ou encore en Suisse.
Pour François Fillon, le gouvernement français "aurait dû empêcher la tenue du meeting de Metz".
"François Hollande rompt de manière flagrante la solidarité européenne alors qu'il est évident qu'une position commune aurait dû prévaloir pour gérer les demandes turques", estime dans un communiqué le candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle. "De plus, deux de nos plus proches alliés, l'Allemagne et les Pays-Bas, ont été publiquement insultés de façon inqualifiable par les dirigeants turcs."
"Cette affaire a été mal gérée de bout en bout par le gouvernement socialiste de François Hollande", poursuit-il. "Il est temps de dire clairement cette vérité" aux dirigeants turcs.
"COMPLICE IMPLICITE"
La réforme de la constitution turque, qui sera soumise à référendum le 16 avril, prévoit de renforcer les prérogatives du président, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire, notamment depuis le coup d'Etat manqué du 15 juillet 2016, qui a été suivi de l'arrestation de dizaines de milliers de personnes.
Pour Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), l'accueil de ce meeting "rend la France témoin et caution du grave glissement autoritaire que connaît la Turquie actuellement".
"La responsabilité de la France et de l'Union européenne devrait être de soutenir les mouvements progressistes et de dénoncer sans cesse la dérive autoritaire du régime, et ce malgré la campagne lancée par le gouvernement turc au-delà de ses frontières et partout où vit la communauté turque en Europe", estime le parti dans un communiqué.
Le meeting "fait de la France un complice implicite de la dérive absolutiste que connaît la Turquie aujourd’hui, aux portes de l’Europe", ajoute-t-il.
Le Front national estime de son côté "scandaleux" d'autoriser la tenue de "discours communautaristes, qui ne sont pas compatibles avec les valeurs de notre République".
"Je crois qu'il faut être extrêmement vigilant à l'égard de ce genre de discours qui peuvent semer le trouble dans notre pays et la division", a dit le directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline, sur BFM TV. "Le gouvernement néerlandais l'a bien compris, malheureusement nous sommes toujours en retard en France et nous n'arrivons pas à réagir."
Face à ces critiques, le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a défendu la décision du Quai d'Orsay d'autoriser le meeting, organisé "dans une espace fermé" et relevant "du régime de la liberté de réunion".
"La France est un Etat de droit qui tient compte des circonstances", a souligné le ministre des Affaires étrangères dans un communiqué. "En l’occurrence, en l’absence de menace avérée à l’ordre public, il n’y avait pas de raison d’interdire cette réunion qui, au demeurant, ne présentait aucune possibilité d’ingérence dans la vie politique française."
(Marine Pennetier, édité par Henri-Pierre André)