PARIS (Reuters) - A trois jours du premier tour de la présidentielle, François Fillon s'efforce de renvoyer à l'électorat l'image d'une droite et d'un centre rassemblés, manifestation tardive d'unité qui masque à peine les stigmates de la primaire et des "affaires".
Après une poignée de mains quelque peu crispée avec Alain Juppé mercredi à Paris, le candidat a mis en scène un nouveau symbole d'union en diffusant jeudi sur Twitter et Facebook (NASDAQ:FB) une photo de lui-même avec Nicolas Sarkozy à l'issue d'un petit-déjeuner au domicile de l'ancien président.
Nicolas Sarkozy, qui s'était acquitté le 7 avril d'un soutien écrit à son ancien Premier ministre, a invité mardi dans une vidéo les électeurs de la droite et du centre à voter "sans états d'âme" pour le vainqueur de la primaire.
"Compte tenu de la gravité des enjeux, de l'importance de cette élection, il m'est apparu que tous les signes de rassemblement devaient être donnés", a-t-il expliqué sur RTL après son tête-à-tête d'une heure avec François Fillon.
"C'était normal qu'on parle, qu'on discute, qu'on se voie et que tous ceux qui m'ont fait confiance ou qui ont voté pour moi sachent que je considère que, pour la France, (...) pas une voix ne doit manquer à François Fillon", a-t-il ajouté.
Le député de Paris explique en légende de la photo avoir tenu à le remercier personnellement "de son soutien clair et important dans cette dernière ligne droite".
"INTOLÉRANCE"
On est loin du meeting commun entre le candidat, l'ancien chef de l'Etat et le maire de Bordeaux réclamé notamment par Xavier Bertrand mais l'objectif est atteint, selon David Lisnard, l'un des porte-parole de François Fillon : "Un message d'union, d'unité, de mobilisation".
"Il faut gouverner avec tout le monde, il faut rassembler tout le monde", a souligné sur RTL François Fillon, qui se dit convaincu d'accéder au second tour malgré des sondages systématiquement défavorables.
"Il faut surtout rassembler ceux qui expriment des sensibilités différentes", a-t-il ajouté, dans une référence voilée à la nouvelle querelle qui agite la droite sur la place de "Sens commun" dans l'équipe du candidat.
Alain Juppé a démenti mercredi avoir menacé d'entrer dans l'opposition si ce mouvement conservateur issu de La Manif pour tous figurait dans le gouvernement de François Fillon s'il était élu, mais ses soutiens, comme Dominique Bussereau, ont publiquement estimé qu'il s'agirait d'"une faute".
"C'est une forme d'intolérance que je trouve regrettable", réplique jeudi François Fillon dans Le Figaro. "Je n'adhère pas à toutes les positions de Sens commun, (...) mais ils ont leur place dans une majorité et ils ont fait preuve d'une très grande solidité dans cette campagne. Ce qui n'a pas été le cas de tout le monde", ajoute-t-il à l'adresse des élus, "juppéistes" notamment, qui ont fait défection en raison de sa mise en examen.
VGE POUR UN PRÉSIDENT D'"EXPÉRIENCE"
François Fillon, qui prendra vendredi la tête d'une "cordée" de ses soutiens à Chamonix, a pris la mesure - trop - tardivement de l'équation idéologique de la primaire, qui portait déjà en germe le risque d'une division de la droite. Après avoir fait campagne sur une ligne droitière, l'appui des "juppéistes" et du centre-droit lui était indispensable.
La tourmente judiciaire qui l'a fragilisé a fracturé le délicat rassemblement qu'il était parvenu à obtenir via, notamment, des amendements programmatiques. Les marques d'unité de la semaine, figure de style rituelle à droite à l'approche des échéances électorales, suffiront-elles?
L'équipe de François Fillon espérait un signe de Jean-Louis Borloo, d'ici dimanche, mais le fondateur de l'UDI reste pour l'heure discret. "Je parle avec lui, beaucoup", a dit François Fillon sur RTL.
L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, qui porta l'UDF sur les fonts baptismaux, signe pour sa part jeudi dans Le Point une tribune que les "fillonistes" interprètent comme un soutien. Le nom de François Fillon n'y est pas cité.
"VGE" souligne que la France "malade" a besoin d'un président doué de trois qualités : "la conviction, le détermination et l'expérience". "L'expérience ne s'acquiert qu'avec une longue présence dans les hautes fonctions gouvernementales", juge-t-il, semblant écarter Emmanuel Macron et plébisciter François Fillon.
"Le président me conseille, me soutient, m'aide depuis des années", a commenté le candidat sur RTL. "Toute la droite et le centre sont rassemblés aujourd'hui autour de moi".
(Sophie Louet avec Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)