Stress, dépressions et insomnies sont des maux de plus en plus courants à la City de Londres, où les champions de la finance sont sous une pression accrue à cause de la crise, au point de pousser certains grands patrons à jeter l'éponge.
Le directeur général de Lloyds Banking Group, António Horta-Osório, a annoncé au début du mois, à la stupéfaction générale, qu'il quittait son poste jusqu'à la fin de l'année pour "raisons médicales". Selon la presse, il souffrait tout simplement d'épuisement.
L'annonce a suscité l'inquiétude immédiate des investisseurs au moment où ce mastodonte bancaire tente de traverser les remous de la crise en zone euro, ce qui a contribué à un plongeon du titre à la Bourse de Londres.
Ce cas très médiatisé est symptomatique d'une profession dont le moral est sérieusement en berne, explique Michael Sinclair, directeur des soins au City Psychology Group, qui reçoit des financiers stressés dans ses locaux de la City et de Canary Wharf, le nouveau quartier des affaires londonien.
"Ils sont clairement de plus en plus nombreux à venir consulter pour des problèmes liés au stress, tout un tas de troubles causés par l'anxiété ou des dépressions", a expliqué le psychologue à l'AFP.
Les symptômes physiques associés sont variés: maux de têtes et de dos récurrents, malaises cardiaques, insomnie...
M. Sinclair constate "une hausse des consultations en raison du climat économique", avec les conséquences de la crise financière 2008-2009 et, désormais, de la crise de la dette en zone euro.
"Les choses ont changé avec la récession" de 2009, confirme Cary Cooper, professeur de psychologie à l'université de Lancaster (nord-ouest).
Le nombre d'emplois a reculé et la charge de travail s'est accrue dans le secteur financier, où courtiers, banquiers d'affaires et autres gestionnaires de fonds craignent désormais de perdre leur travail.
Dans ce milieu, le traumatisme du mois de septembre 2008 reste bien présent: 4.000 employés londoniens de la banque d'affaires américaine en faillite Lehman Brothers avaient perdu leur travail du jour au lendemain, se retrouvant à la rue avec leurs affaires de bureau sous le bras.
Les perspectives ne sont guère plus réjouissantes à l'heure actuelle, puisque les emplois financiers dans la City vont retomber cette année à leur niveau de 1998, selon une étude récente de l'institut de recherche CEBR.
"La majorité des financiers ne sont pas prêts à admettre qu'ils ne sont pas capables de faire face, parce que cela pourrait les rendre encore plus vulnérables et susceptibles de perdre leur emploi", affirme M. Cooper.
Et ce "blues du businessman" est encore aggravé par l'impopularité de la profession dans l'opinion publique, choquée par les montants faramineux de certains bonus à l'heure où le pays doit se serrer la ceinture. Sans compter que les banques sont tenues responsables de la crise et qu'une partie d'entre elles ont été renflouées par l'argent du contribuable.
"Le public ne ressent aucune espèce de compassion pour les gens du secteur financier", et certains banquiers n'osent même plus avouer leur profession en dehors de leur entourage, confirme M. Cooper.
Du coup, rares sont ceux qui osent dire qu'ils vont mal. En guise de soins, ils vont plutôt "au pub après le travail plus souvent qu'ils ne devraient", note le Dr Sinclair.
"Mais assez rapidement, la solution devient un problème, surtout si vous êtes assez bête pour y ajouter la cocaïne", a témoigné dans le Times Geraint Anderson, "trader repenti" devenu auteur à succès en exposant les dérives de son milieu.