Vingt-cinq pays européens ont signé vendredi un nouveau pacte de discipline budgétaire pour empêcher les dérapages, qui a été immédiatement fragilisé par l'annonce d'un déficit en Espagne nettement supérieur aux prévisions.
La signature de ce pacte, exigé par l'Allemagne en échange de sa solidarité financière avec ses partenaires de la zone euro, a constitué le principal temps fort économique d'un sommet de l'UE à Bruxelles que le président français Nicolas Sarkozy a salué comme "le premier depuis 2011 qui ne soit pas un sommet de crise".
"Nous sommes en train de tourner la page de la crise financière", a clamé M. Sarkozy.
Le pacte budgétaire "est une étape importante pour renforcer la confiance dans notre Union économique et monétaire", a estimé pour sa part le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy.
Mais à peine le pacte signé, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé que l'objectif de déficit public serait de 5,8% du PIB cette année en Espagne, soit un chiffre bien supérieur à l'objectif de 4,4% convenu jusqu'ici avec ses partenaires européens.
"Le chiffre de déficit public qui sera dans notre budget 2012 ne sera pas celui qui a été présenté aux dirigeants européens", a-t-il annoncé avant de se justifier: "je n'étais pas obligé de le faire. C'est une décision que prennent les Espagnols".
M. Rajoy a jugé que le nouvel objectif de déficit public était "raisonnable", sachant que l'objectif d'un déficit à 4,4% du PIB avait déjà été jugé irréaliste par nombre d'économistes: le pays devrait en effet entrer en récession une nouvelle fois dès ce trimestre et souffre d'un chômage de masse qui touche près du quart de la population.
L'annonce risque de ne pas plaire aux partenaires de Madrid. "L'Espagne devra tout faire pour prouver à l'extérieur qu'elle reste fermement ancrée dans sa volonté de ne pas quitter le chemin de la consolidation", a prévenu le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.
Quant à M. Van Rompuy, il a insisté lors de sa conférence de presse vendredi sur la nécessité de "continuer à tendre vers les objectifs budgétaires", car "si on ne le fait pas de manière résolue, ce seront les marchés qui nous en feront subir les conséquences".
Un responsable européen a cependant indiqué sous couvert d'anonymat que l'Espagne pouvait "espérer de la souplesse pour l'objectif 2012 mais pas pour 2013", et que son déficit devrait alors revenir dans la limite européenne de 3%.
Une autre mauvaise surprise est venue des Pays-Bas, prompts à critiquer le laxisme budgétaire de leurs partenaires et qui se retrouvent pourtant à leur tour contraints de faire de nouvelles économies en raison de la détérioration plus importante que prévu de la conjoncture.
La Commission européenne a invité fermement jeudi le gouvernement du libéral Mark Rutte à respecter son engagement, après la publication par le Bureau central du Plan néerlandais de prévisions prévoyant que le déficit public dépasse la barre des 3% jusqu'en 2015. Ce dernier a promis de "faire de son mieux pour avoir le soutien du parlement" afin de réduire le déficit.
Et d'autres pays, comme la France, risquent bientôt d'avoir eux aussi du mal à ramener leurs finances publiques dans le droit chemin en temps et en heure, avec la possibilité de se faire rappeler à l'ordre par Bruxelles, voire de s'exposer à des amendes.
Si les règles devaient être assouplies, même légèrement pour les Pays-Bas et l'Espagne, cela pourrait ouvrir une boîte de Pandore, provoquer l'ire des pays comme la Belgique qui se sont vu contraints de boucler dans la douleur des budgets rectificatifs. Et fragiliser le nouveau pacte de discipline censé rassurer les marchés sur le fait que les leçons de la crise de la dette ont été tirées. Et ce alors que l'encre sur le papier est à peine sèche.