La chancelière Angela Merkel, qui recevait jeudi son homologue britannique David Cameron, a plaidé pour un chantier européen de longue haleine en vue de construire une Europe politique renforcée, alors que ses partenaires réclament instamment des solutions immédiates.
Dans un entretien télévisé jeudi matin, la chancelière a exposé ses remèdes: "Nous avons besoin de plus d'Europe (...) d'une union budgétaire (...) et nous avons besoin avant tout d'une union politique. Nous devons, pas à pas, abandonner des compétences a l'Europe", a-t-elle déclaré.
Mais "nous ne devons pas rester immobiles parce que l'un ou l'autre (pays) ne veut pas encore suivre", a-t-elle ajouté, ouvrant la porte à une Europe à deux vitesses.
Le pacte budgétaire dont 25 des 27 pays de l'Union européenne sont en passe de se doter "est une condition nécessaire mais pas suffisante" à un rétablissement de l'euro, a-t-elle jugé plus tard lors d'une conférence de presse avec M. Cameron. Celui-ci a pressé les pays de la monnaie unique de venir à bout de leurs problèmes "afin que nous puissions tous avoir à nouveau une croissance saine en Europe".
Le Premier ministre britannique n'est pas le seul à s'inquiéter. Barack Obama s'était joint à lui mercredi pour réclamer "un plan immédiat" de la zone euro pour surmonter sa crise.
L'Espagne et son secteur bancaire aux abois concentrait toujours l'essentiel des inquiétudes. L'agence d'évaluation financière Fitch a d'ailleurs abaissé en fin de journée de trois crans la note du pays, qui tombe de A à BBB, et l'a assortie d'une perspective négative.
Dans la matinée, les taux sont ressortis en nette hausse lors d'une émission obligataire du Trésor espagnol, supérieurs à 6% (6,044%) sur l'échéance-phare à 10 ans, pour un montant de 2,074 milliards d'euros, plus que prévu.
Les Bourses européennes ne se sont cependant pas laissées démonter par cette envolée des taux, préférant se réjouir d'annonces de la Chine sur une baisse de ses taux, et anticiper des propos encourageants de la part de Ben Bernanke, président de la Fed américaine.
Ce dernier a estimé que la croissance de l'économie américaine devrait dans le meilleur des cas s'accélérer légèrement en 2012 par rapport à son rythme du second semestre 2011.
Les bourses ont donc fini dans le vert pour le deuxième jour consécutif jeudi, après la décision de la Chine de baisser ses taux d'intérêt de référence, pour la première fois depuis 2008.
A la clôture, Paris affichait ainsi un gain de 0,42%, Londres de 1,18%, Francfort de 0,82%, Madrid de 0,30% et Milan de 0,88%.
La veille déjà la Banque centrale européenne (BCE) avait remonté le moral des investisseurs en annonçant un prolongement de ses prêts illimités aux banques et en ouvrant la porte à une baisse des taux le mois prochain.
D'ici là seront passées les échéances politiques très attendues des élections législatives en Grèce et en France, et le sommet européen des 28 et 29 juin à Bruxelles.
Mme Merkel a toutefois tempéré les attentes à l'égard de celui-ci, soulignant que le salut de l'Europe viendrait de mesures structurelles de longue haleine. Il n'y aura pas "un seul sommet capable de tout régler d'un coup", a-t-elle averti.
L'Allemagne veut soumettre à ses partenaires à cette occasion une proposition pour un programme de travail menant à terme à une union politique, qui pourrait ne concerner qu'un noyau dur de pays.
La dirigeante de la première économie européenne, qui tient les cordons de la bourse en Europe, se place une fois de plus sur le terrain du long-terme, là où beaucoup de ses partenaires attendent des actions concrètes et immédiates, en faveur tout d'abord des banques espagnoles.
Celles-ci auraient un besoin de financement compris entre 60 et 100 milliards d'euros pour se recapitaliser, a estimé l'agence Fitch, le journal espagnol ABC parlant quant à lui jeudi, de 40 à 80 milliards, anticipant la publication lundi d'une estimation très attendue du Fonds monétaire international (FMI).
Enfin, selon l'agence de notation financière Standard & Poor's, les banques espagnoles devront admettre d'ici 2013 des pertes de 80 à 112 milliards d'euros, liées aux crédits accordés.
Madrid s'est donné encore deux semaines pour décider d'une requête d'aide à ses partenaires européens. Le pays se refuse à demander une aide formelle du FESF, qui serait flanquée de conditions sévères et signifierait un abandon partiel de souveraineté.
A cet égard, le chef de file de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré en fin de journée que "si jamais l'Espagne demandait d'appuyer son secteur bancaire, cela serait évidemment fait", sans préciser les contours et le montant de ce soutien.
Berlin reste opposé à une aide directe aux banques du FESF, tandis que jeudi le ministre polonais des Finances Jacek Rostowski est venu rejoindre les rangs de ceux qui prônent cette solution.
Le gouvernement allemand est en revanche muet sur une piste dessinée mercredi, qui verrait le FESF aider une institution espagnole, le Fonds public espagnol d'aide au secteur bancaire (Frob).