La France et l'Allemagne célèbrent en septembre leur amitié, socle de la construction européenne, à l'occasion des 50 ans du voyage historique du général de Gaulle en RFA, sur fond de tensions liées à la crise de l'euro.
Du 4 au 9 septembre 1962, le président français avait parcouru toute l'Allemagne prononçant une dizaine de discours, dont six en allemand appris par coeur, s'adressant au grand public pour exalter le rapprochement des deux pays.
La visite de ce soldat français, qui avait combattu deux fois l'Allemagne lors des deux dernières guerres mondiales, s'était avérée un succès "au delà de toute espérance", selon les témoins d'alors, dans un pays hanté par le sentiment de culpabilité de l'Holocauste et marqué par sa défaite et sa division après la construction du Mur de Berlin en 1961.
Arrivé à Bonn (ouest), dans la capitale allemande d'alors, le Général avait continué par Düsseldorf (ouest), Duisbourg (ouest), Hambourg (nord), Munich (sud), Stuttgart (sud-ouest) pour terminer à Ludwigsburg (sud-ouest).
A Duisbourg, il s'était adressé aux ouvriers de l'usine sidérurgique de Thyssen, les appelant "Meine Herren" --Messieurs--, puis à Hambourg, il avait parlé à l'armée et à Ludwigsburg, il avait "félicité les jeunes Allemands (...) enfants d'un grand peuple qui (...) au cours de son histoire, a commis de grandes fautes".
C'est ce dernier discours, prononcé devant plus de 7.000 personnes, symbolisant le changement de génération et par conséquent de perspective, que la chancelière Angela Merkel et le président français François Hollande vont commémorer le 22 septembre. Plus tard que la date initiale, pour des raisons de calendrier.
Auparavant, les ministres des Affaires étrangères, Guido Westerwelle et Laurent Fabius, doivent le 5 septembre à Bonn rendre hommage au rapprochement des deux pays.
Ces festivités précèdent la grand-messe à Berlin, le 22 janvier prochain, du cinquantenaire de la signature du traité de l'Elysée, entre le général de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer, fixant les objectifs d'une coopération bilatérale.
Elles surviennent dans un climat tendu: la crise de la dette dans la zone euro, avec comme épée de Damoclès une sortie des pays les plus faibles économiquement voire un éventuel éclatement de la monnaie unique lancée en 1999, met une fois de plus en évidence les différences d'approche en matière de politique économique des deux pays.
"Sur un socle européen commun assez solide, ils se querellent sur la meilleure voie pour sortir de la crise", constate Henrik Uterwedde, directeur adjoint de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg (dfi). Avec, selon un schéma récurrent dans les relations des deux pays, la France plus favorable à une politique keynesienne et l'Allemagne, pétrie d'ordolibéralisme, prônant moins d'intervention de l'Etat.
Lors de leur dernière rencontre à Berlin, le 23 août, Mme Merkel et M. Hollande ont promis d'assurer la pérennité du moteur franco-allemand.
Tous deux nés en 1954, après la guerre, ils sont beaucoup moins marqués par le pays de l'autre que ne l'étaient Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Et peut-être moins animés par l'élan des pères fondateurs.
François Hollande parle peu allemand--qu´il a appris en seconde langue--, contrairement à de Gaulle qui avait perfectionné cette langue à Saint-Cyr et en captivité lors de la Première Guerre mondiale.
Alors que Konrad Adenauer connaissait un français de base, enseigné à l'école, Angela Merkel a appris le russe et l'anglais en RDA et fait partie, comme elle l'avait elle-même souligné dans son premier discours devant le parlement de l'UE des "jeunes Européens" qui ont découvert l'Union après la chute du rideau de fer en 1989.