Le rythme de la gestion de la crise en zone euro oppose de plus en plus la France, soucieuse d'aller vite sur les dossiers bancaire, espagnol et grec, et l'Allemagne, qui ne partage pas le même sentiment d'urgence.
La chancelière Angela Merkel et le président François Hollande auront une nouvelle occasion d'accorder leurs violons samedi lors d'une rencontre à Ludwigsburg (sud-ouest de l'Allemagne) pour célébrer le 50e anniversaire du discours du général de Gaulle à la jeunesse allemande.
Le différend a éclaté au grand jour le week-end dernier lors d'une réunion des ministres des Finances à Nicosie, au sujet de la supervision bancaire.
Le ministre allemand Wolfgang Schäuble a mis en doute la capacité des Européens de se doter, comme espéré, d'un tel mécanisme dès janvier 2013. Ce qui, a-t-il souligné, retardera la possibilité pour le fonds de secours de la zone euro de recapitaliser directement les banques en difficulté, notamment espagnoles, sans alourdir la dette des Etats concernés.
"Perdre du temps, ne pas aller vite, c'est une faute", a rétorqué son homologue français Pierre Moscovici. Il a ensuite reconnu discuter avec Berlin "sur le rythme et l'ampleur de l'approche".
Car sur le fond aussi, le couple franco-allemand peine à s'entendre: comme la Commission européenne, Paris veut confier à la Banque centrale européenne (BCE) la supervision des 6.000 banques de la zone euro, alors que Berlin préfère limiter cette tâche aux plus gros établissements.
En coulisses, la différence de vue sur le rythme à imprimer apparaît dans d'autres dossiers cruciaux.
Sur l'Espagne d'abord. En public, le président français reconnaît la "souveraineté" de Madrid pour décider "du principe ou du moment" d'une éventuelle demande d'aide à la zone euro et à la BCE.
Mais, en privé, les Français se font plus pressants. "Ce serait mieux que l'Espagne demande l'aide, chacun sait qu'elle a des besoins", confiait récemment un haut responsable.
D'ailleurs, saluant les nouveaux instruments annoncés par la BCE pour les pays dont les taux d'intérêt s'envolent malgré d'importants efforts budgétaires, Pierre Moscovici soulignait mi-septembre que ces "mécanismes" avaient vocation à "être utilisés".
Le gouvernement allemand n'est pas sur la même ligne et recommande plutôt à Madrid de poursuivre dans la voie des réformes, dans l'espoir que les marchés finiront par s'en satisfaire.
"Un programme d'aide, c'est l'artillerie lourde, avec des conditions, l'intervention de la troïka" des créanciers internationaux FMI-BCE-UE, fait valoir un responsable gouvernemental allemand. "Ce n'est pas à prendre à la légère, c'est pour les pays qui ne parviennent pas à se financer sur les marchés", ajoute-t-il, relevant que "ce n'est pas le cas aujourd'hui" pour l'Espagne au vu de l'émission obligataire réussie de jeudi.
Au passage, le gouvernement Merkel, divisé sur la solidarité européenne, préfèrerait ne pas avoir à demander à son Parlement l'aval pour un nouveau plan d'aide, nécessaire pour engager les deniers du pays.
Cet argument complique aussi les discussions sur la Grèce. La France fait partie des pays qui, assez rapidement, ont fait savoir qu'ils étaient ouverts à la demande d'Athènes d'un délai pour tenir ses engagements budgétaires.
Seulement, pour ne pas exposer la chancelière à un refus du Bundestag, les négociateurs tentent de "faire en sorte que plus de temps ne coûte pas plus d'argent", explique un responsable français.
Le responsable allemand parle lui, à ce sujet, de "discussions théoriques". "Mais nous ne voyons pas trop comment" laisser du temps à Athènes "sans que cela ne coûte plus cher", ajoute-t-il.
Comme souvent, l'Allemagne prévient donc que la sortie de crise prendra du temps. De quoi refroidir les ardeurs de François Hollande, déterminé à obtenir des "décisions" sur tous ces sujets au sommet européen des 18 et 19 octobre, afin de rétablir un minimum de confiance dans l'espoir d'obtenir un rebond salvateur de la croissance.