Le président islandais Olafur Ragnar Grimsson a choisi mardi, sous la pression populaire, de soumettre à référendum la loi Icesave sur le remboursement des clients étrangers de la banque éponyme en faillite, une décision qui risque de générer une crise politique dans l'île.
"Nous exprimons notre déception après la décision de notre président. Elle pourrait avoir d'importantes conséquences sur un plan économique avec le FMI" (Fonds monétaire international), a réagi le Premier ministre social-démocrate Johanna Sigurdardottir.
Elle a ensuite rencontré les députés de la coalition au pouvoir (sociaux-démocrates et parti écologiste Gauche-Verts) pour décider d'une éventuelle démission du gouvernement. Après une longue réunion, aucune décision n'a été prise mardi.
La loi Icesave, votée à une très courte majorité par le Parlement au cours de la nuit du 30 au 31 décembre dans une atmosphère tendue, est destinée à rembourser près de 4 milliards d'euros avancés par le Royaume-Uni et les Pays-Bas pour indemniser plus de 300.000 de leurs concitoyens lésés par la faillite de la banque Icesave.
Le texte prévoit le paiement échelonné d'ici à 2024 d'environ 3,8 milliards d'euros, soit l'équivalent de près de 40% du Produit intérieur brut annuel de l'île, ruinée par l'effondrement de ses banques en octobre 2008.
Mais face à la vive protestation populaire engendrée en Islande par l'adoption du texte au Parlement, M. Grimsson a choisi de mettre les Islandais devant leurs responsabilités, rappelant qu'un non au référendum enterrerait la loi. "J'ai décidé, sur la base de l'article 26 de la Constitution, de soumettre la nouvelle loi à la nation", a déclaré le président, dont la signature est nécessaire pour que les lois islandaises entrent en vigueur.
C'est la deuxième fois depuis l'indépendance de l'Islande en 1944 qu'un président islandais refuse de signer une loi dûment adoptée. "Maintenant, la nation a le pouvoir et la responsabilité (sur cette question). J'espère que nous parviendrons ainsi à un accord viable", a ajouté M. Grimsson.
Une pétition a été signée par environ 60.000 personnes -près d'un quart de l'électorat- pour réclamer que cette loi soit soumise à référendum.
La décision du président islandais a été mal accueillie à La Haye et à Londres.
"Extrêmement déçus", les Pays-Bas "maintiennent que l'Islande doit rembourser cet argent (...) L'absence de solution pour Icesave est inacceptable", a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère néerlandais des Finances, Ruut Slotboom. "Nous sommes bien entendu très déçus de la décision du président islandais, mais nous pensons que l'Islande respectera ses engagements et remboursera l'argent", a déclaré un porte-parole du Premier ministre Gordon Brown.
Le secrétaire d'Etat britannique aux Finances, Paul Myners, a lui averti l'Islande qu'un vote négatif au référendum risquait de l'isoler au niveau international et pourrait influer sur le soutien de Londres à la candidature islandaise à l'entrée dans l'UE.
Le gouvernement islandais s'est immédiatement voulu rassurant, affirmant dans un communiqué qu'il "considérait que l'accord avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas constituait une part intégrale du programme économique de l'Islande", lequel "demeure en vigueur".
Avant le vote du Parlement, Mme Sigurdardottir avait mis dans la balance son gouvernement pour obtenir la ratification de l'accord signé avec Londres et La Haye.
Le litige sur Icesave est un obstacle pour la candidature islandaise à l'Union européenne et dans les relations du pays avec le FMI qui lui a promis 2,1 milliards de dollars lors de l'effondrement de son système bancaire.
L'agence de notation Fitch a abaissé la note de dette à long terme de l'Islande en terrain spéculatif, de BBB- à BB+, estimant que la décision du président créait "une nouvelle vague d'incertitudes".