Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a soumis jeudi aux parlementaires la candidature de Haruhiko Kuroda comme gouverneur de la banque centrale du Japon (BoJ), convaincu que l'actuel président de la Banque asiatique de développement mènera une politique monétaire incitative.
M. Abe a dans le même temps sélectionné l'universitaire Kikuo Iwata (70 ans) et un haut fonctionnaire de la Banque du Japon, Hiroshi Nakaso (59 ans), pour les postes de gouverneurs adjoints.
M. Kuroda (68 ans) était donné en tête des candidats potentiels depuis plusieurs jours, après que l'actuel gouverneur, Masaaki Shirakawa, a annoncé son intention de quitter ses fonctions dès le 19 mars, trois semaines avant le terme légal de son mandat entamé en avril 2008.
M. Kuroda a pour sa part présenté dès jeudi sa démission de la Banque asiatique de développement, "un départ qui sera effectif le 18 mars", a précisé cet organisme.
Sa nomination à la BoJ doit toutefois encore être validée par les deux chambres du parlement, ce qui est attendu pour la mi-mars mais ne coule pas de source puisque le Parti Libéral-Démocrate (PLD) de M. Abe n'est pas majoritaire au Sénat.
"Nous allons oeuvrer de toutes nos forces pour obtenir la compréhension des élus de la majorité et de l'opposition, car nous considérons qu'il s'agit de la meilleure équipe pour entraîner la croissance économique", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, lors d'une conférence de presse.
D'ici là, M. Kuroda devrait être auditionné par une commission mixte du parlement sur ses intentions.
Certaines petites formations, qui honnissent les personnalités issues du ministère des Finances appelées des "old boys" (OB), ont déjà fait part de leur opposition à la nomination de M. Kuroda.
Cet ex-fonctionnaire remplit cependant les conditions posées par le chef du gouvernement: expérience dans le domaine de la finance, réseau relationnel étendu et capacité à exposer et défendre la politique monétaire et économique nippone sur la scène internationale.
Diplômé des universités de Tokyo et Oxford, il est connu pour soutenir l'objectif d'inflation de 2% récemment quasiment imposé par le nouveau gouvernement de droite à la Banque du Japon (pourtant statutairement indépendante), et ce afin d'extraire le pays de la déflation qui bride l'activité économique.
Reconduit fin 2011 (initialement pour cinq ans) à la tête de la Banque asiatique de Développement où il disait se plaire, il est aussi en faveur d'une politique monétaire ultra-accommodante, à l'instar du gouvernement.
M. Abe et son ministre des Finances, Taro Aso, veulent en effet que soit menée une "politique monétaire hardie" couplée à une "politique budgétaire active", et tant pis pour l'orthodoxie prônée ailleurs.
"Il ne fait aucun doute que le choix du gouverneur aura un impact sur le gouvernement Abe", souligne le politologue Harukata Takenaka.
En présentant un nom dès ce jeudi, qui plus est celui qui avait circulé dans la presse, le Premier ministre rassure aussi les marchés qui spéculent depuis des semaines sur la politique que devrait conduire le prochain gouverneur, en adéquation avec les attentes de l'exécutif.
"Il est clair que, jusqu'à présent, la Banque du Japon a été trop passive vis-à-vis de la déflation", avait jugé M. Aso.
"Pour le Japon, le principal enjeu est de s'extraire de la déflation. Jamais aucun pays développé n'a souffert de ce phénomène pendant 15 ans, c'est anormal", lui a fait écho M. Kuroda lors d'un entretien accordé au début du mois à la presse japonaise.
Même les concessions récemment accordées par la BoJ au gouvernement quémandeur (objectif d'inflation de 2%, nouveau programme d'achat d'obligations d'Etat) l'ont été au forceps.
M. Abe a choisi M. Kuroda et des profils de carrière différents pour les adjoints, en estimant pouvoir ainsi emporter l'onction du Sénat et éviter que le poste de gouverneur ne soit vacant, comme ce fut le cas durant trois semaines en 2008.