Efforts des salariés et baisse drastique des effectifs contre maintien des usines françaises jusqu'en 2016: Renault parie sur l'avenir avec son accord compétitivité au niveau du groupe scellé mercredi, une première du genre qui pourrait faire des émules.
Le patron Carlos Ghosn, entouré des représentants des trois syndicats signataires (CFE-CGC, FO et CFDT, près de 65% des voix au total), a paraphé l'accord qui, selon ses termes, "fera date dans l'histoire des négociations sociales françaises".
Plus de flexibilité dans l'organisation du temps de travail, "le contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social en France" est un "accord équilibré", assure M. Ghosn. Il "donne à Renault les moyens de renouer avec la compétitivité en France", avec à la clé 500 millions d'économies par an escomptées, soit 300 euros par véhicule.
Pour la CFE-CGC, ce "n'est pas un bon accord", mais un accord "donnant-donnant" et un "pari sur les quatre prochaines années" qui "garantit des affectations de modèles et de produits, des volumes minimum de production".
L'accord marque "le retour industriel de Renault en France", s'est félicité Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif.
L'accord prévoit notamment une augmentation de 6,5% du temps de travail, une refonte des comptes épargne temps, un gel des salaires en 2013. D'ici fin 2016, 7.500 suppressions nettes d'emplois et 760 embauches sont prévues, soit plus de 15% des effectifs, sans plan social ni plan de départs volontaires.
Le constructeur automobile s'est engagé en échange à ne fermer aucune de ses cinq usines dans l'Hexagone jusqu'à cette date et à leur assurer une activité minimum de 710.000 véhicules par an (contre 530.000 en 2012): 630.000 véhicules Renault et 80.000 provenant de partenaires, dont les noms devraient être dévoilées d'ici l'été. Le taux de remplissage moyen passera ainsi d'environ 50% actuellement à 85%.
L'avenir de Flins (Yvelines) s'éclaircit avec la promesse d'une production minimum de 110.00 véhicules par an, Maubeuge (Nord) se voit attribuer la nouvelle génération de l'utilitaire Kangoo et Douai (Nord) aura cinq modèles.
Sauf "apocalypse", les engagements de Renault sont valables jusqu’en 2016 quelle que soit l'évolution du marché automobile européen, attendu "à peu près au niveau où il est aujourd'hui", c'est-à-dire "très médiocre", a assuré M. Ghosn.
La majorité des efforts demandés aux salariés est, elle, à durée indéterminée.
"Négociations sous forte pression"
Les quatre syndicats représentatifs, les trois signataires et la CGT (2ème syndicat, qui n'a pas pris part au vote sur le projet d'accord) ont discuté avec en tête le spectre de la fermeture de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois et les 8.000 suppressions de postes prévues chez le constructeur.
Régulièrement, la direction de Renault a mis dans la balance l'éventualité de fermer des usines si l'accord n'était pas signé. Le constructeur, dont l’État est premier actionnaire, était aussi surveillé par les partenaires sociaux qui négociaient en parallèle un accord interprofessionnel. Mais Renault a très vite avancé que son accord serait un "ajustement structurel" alors que l'accord national répondait à des problèmes "conjoncturels".
Les négociations ont donc été menées "sous forte pression", reconnaît Olivier Clairfond (CFE-CGC), parce qu'avec "une fermeture d'usine, c'est toute la filière qui trinque, tout un bassin d'emploi".
Chantage à l'emploi ou réalité économique, les syndicats signataires saluaient toutefois mercredi les garanties obtenues.
"Il fallait arrêter l'hémorragie, l'activité de Renault en France était en chute libre. Nous revendiquions la préservation de nos usines", explique Fred Dijoux (CFDT).
"Depuis quelques années nous négocions des accords d'indemnisation du chômage","mais là, on a négocié de l'activité supplémentaire et un renouvellement de gamme ce qui permettra d'avoir de l'emploi", a souligné Laurent Smolnik (FO).
Au-delà du report de la part variable de son salaire en 2013, M. Ghosn a engagé, par sa signature, la responsabilité de tout le groupe, estiment les signataires qui entendent veiller au bon respect des engagements de la direction.
La CGT dénonce elle "un accord sans aucune contrepartie" puisque "les volumes de fabrication annoncés avaient déjà été attribués depuis 2011". Les 7.500 suppressions d'emplois sont "dramatiques socialement" et vont peser sur les salariés qui restent, selon Fabien Gâche.