Le géant américain de l'alimentation Kraft Foods a annoncé mardi le succès de son offre publique d'achat sur le confiseur britannique Cadbury, qu'il a décidé dans la foulée de prolonger "jusqu'à nouvel avis", alors que des dizaines d'employés de Cadbury manifestaient à Londres.
L'OPA d'un montant de 13 milliards d'euros, qui expirait ce mardi à 13H00 GMT, a permis au groupe américain de récolter déjà 71,73% du capital de Cabdury, alors qu'il s'était fixé comme condition de réussite l'obtention de la majorité du capital (50% plus une action).
Ce succès était prévisible, depuis que Kraft Foods avait réussi le mois dernier à négocier un accord de rachat amical avec la direction de Cadbury et le retrait de la course des autres acquéreurs potentiels, l'américain Hershey et le groupe italien Ferrero.
Le groupe américain a ajouté, dans un communiqué publié mardi, qu'il avait décidé de prolonger son OPA, pour donner le temps aux actionnaires de Cabdury qui ne lui ont pas encore apporté leurs titres de le faire. L'OPA restera donc ouverte "jusqu'à nouvel avis", Kraft précisant que les investisseurs seront informés avec au moins deux semaines d'avance de la date de son arrêt.
Kraft a confirmé par ailleurs qu'il avait l'intention de retirer Cadbury de la Bourse de Londres, s'il obtenait au moins 75% de son capital, seuil nécessaire pour procéder à un retrait de la cote.
Quelques heures auparavant, des dizaines d'employés de Cadbury avaient manifesté à Londres pour demander que leurs emplois soient protégés. "C'est un jour très triste pour le Royaume-Uni", a commenté Jack Dromey, le vice-secrétaire général du syndicat Unite qui organisait cette manifestation dans le quartier des ministères. "Un groupe de classe mondiale représentant l'excellence britannique est racheté par une entreprise américaine chargée de dettes", a-t-il ajouté.
"Nous voulons désormais des garanties de Kraft gravées dans le marbre sur l'avenir des employés, et nous voulons que l'Etat s'en porte garant", a ajouté le représentant syndical.
Les manifestants ont également réclamé l'adoption d'"une loi Cadbury", qui empêcherait que des entreprises comme la leur puissent être achetées par une société étrangère.
"La loi doit changer pour empêcher des OPA hostiles sur des entreprises britanniques à succès. Nous avons besoin d'une +loi Cadbury+, et nous voulons que Kraft s'asseye dès demain avec les syndicats pour discuter de l'avenir", a souligné M. Dromey.
La plupart des manifestants portaient des pancartes et des vêtements au logo de Cadbury, voire l'uniforme de l'entreprise, comme Deborah Matthews-Booth, qui a travaillé pendant 33 ans à l'usine de Bournville, près de Birmingham dans le centre de l'Angleterre, et qui s'est dite "en deuil". "Tout le monde, des bureaux à la production, craint pour son emploi", a-t-elle affirmé.
Rob Phillips, qui travaille chez Cadbury depuis 27 ans, a estimé pour sa part "qu'il n'y aurait bientôt plus de secteur manufacturier au Royaume-Uni". "Le gouvernement avait une belle occasion de faire quelque chose et il ne l'a pas fait, ils nous ont laissé tomber, cela ne serait jamais arrivé en France ou en Allemagne", a-t-il estimé.
Le ministre du Commerce Peter Mandelson devait rencontrer mardi soir la direction de Kraft, dont sa directrice générale Irene Rosenfeld, pour discuter des projets du groupe américain vis-à-vis de Cadbury. Son ministère a dit "comprendre le sentiment général" au Royaume-Uni vis-à-vis de ce rachat, tout en soulignant que c'était "l'affaire des actionnaires" de Cadbury.
Après quatre mois de siège, Kraft Foods (cafés Jacques Vabre, Grand-Mère, Maxwell, biscuits LU et Oreo, chocolats Milka, Suchard et Côte d'Or...) a fini il y a deux semaines par faire céder la direction de Cadbury (Carambar, Kréma, La Pie qui chante, les chewing-gums Hollywood et Stimorol, le chocolat Poulain) en lui proposant de racheter le groupe pour 13 milliards d'euros.
Cadbury, fondée en 1824 et réputée pour ses valeurs et traditions sociales, est l'une des entreprises préférées des Britanniques. Selon une enquête du cabinet Hall & Partners publiée mardi, elle est la deuxième marque la plus populaire au Royaume-Uni, derrière Google et devant Amazon.