Donald Trump va-t-il assouplir sa politique commerciale? Il semble en tout cas avoir tendu une perche cette semaine à ses partenaires de l'Asie-Pacifique après les avoir brutalement éconduits il y a un an en se retirant de l'accord TPP.
"Je me joindrais au (traité de libre-échange transpacifique) TPP si nous avions un bien meilleur accord que celui ci", a déclaré le président américain dans un entretien à la chaîne américaine CNBC lors du Forum économique mondial de Davos.
"Les déclarations (de Trump) sur le TPP représentent une réelle inflexion", constate Edward Alden, expert au Council of Foreign Relations, alors qu'il y a tout juste un an, le 23 janvier 2017, le président signait un document mettant fin à la participation des Etats-Unis.
Il s'agissait alors de sa toute première décision destinée, selon lui, à sauvegarder les emplois américains menacés par le libre-échange.
Ce traité, vu comme un contrepoids à l'influence grandissante de la Chine qui n'en faisait pas partie, avait été âprement négocié sous l'ère Obama et signé en 2015 par 12 pays d'Asie-Pacifique représentant 40% de l'économie mondiale. Il n'était toutefois pas encore entré en vigueur à l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Pour autant, le retrait américain n'a pas signé sa mise à mort. Cette semaine, les 11 autres partenaires, qui avaient repris le flambeau en faveur de cette vaste zone commerciale, ont annoncé un nouvel accord, sans les Etats-Unis.
"Le nouveau TPP, qui doit être signé en mars, a dû vraiment irriter le président", commente Monica De Bolle, spécialiste de la politique commerciale au Peterson Institute for International Economics (PIIE), un think tank à Washington. D'autant qu'il a été conclu plus rapidement que prévu.
Les 11 partenaires - Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam - avaient déjà bien avancé les négociations en novembre 2017, en marge d'un sommet de l'Apec au Vietnam mais il leur restait encore à résoudre quelques différends.
- 'Le monde continue' -
"Ces pays ont clairement démontré leur volonté de combler le vide que les Etats-Unis semblent laisser derrière eux", ajoute Monica De Bolle.
En outre, Donald Trump, qui n'a de cesse de souligner sa préférence pour les accords bilatéraux, a dû se faire une raison: le Japon ne veut pas d'un tel accord et il l'a publiquement fait savoir, observe la spécialiste, d'où "le rétropédalage" à mesure que l'administration Trump prend conscience des potentielles pertes économiques.
"Il prend conscience soudainement que le monde continue bien que les Etats-Unis ne fassent plus partie du jeu", a résumé Gregory Daco, chef économiste chez Oxford Economics.
Le président américain, qui a par ailleurs imposé la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna), avec de nouvelles discussions cette semaine à Montréal avec le Canada et le Mexique, est aussi de plus en plus sous la forte pression du monde des affaires qui l'exhorte à ne pas camper sur une politique protectionniste radicale.
"Trump a clairement compris ce message qui provient de personnes influentes, riches, ces personnes qu'il respecte" et qu'il a rencontré à Davos, réagit Edward Alden.
La stratégie du Canada, l'un des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, pourrait aussi avoir pesé dans l'apparent assouplissement de la position de Washington.
Ottawa a en effet fait grand cas de son adhésion au partenariat transpacifique cette semaine, tout en rappelant qu'il ne cèderait pas aux exigences de l'administration Trump sur le volet Aléna.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland n'a pas hésité à déclarer que le Canada se préparait à l'éventualité d'un retrait américain de l'Aléna en vigueur depuis 1994.
Ottawa martèle en outre que les Etats-Unis, dont 9 millions d'emplois dépendent du commerce et des investissements avec le Canada, auraient beaucoup à perdre s'ils quittaient l'Aléna.
Vendredi à Davos, Donald Trump semble avoir été sensible aux multiples mises en garde: "L'Amérique d'abord n'est pas l'Amérique seule", a-t-il admis. "Nous sommes en faveur du libre-échange, mais il doit être juste, et il doit être réciproque".