Peut-on encore produire des petites voitures en Europe de l'Ouest sans perdre d'argent? Si certains constructeurs y voient une équation quasi-impossible à résoudre, d'autres assurent que le défi peut encore être relevé.
Dernier exemple en date, le français PSA Peugeot Citroën entend concentrer à l'avenir dans l'Hexagone uniquement la fabrication des versions les plus équipées, et donc les plus rentables, de ses petites voitures.
Il va supprimer par conséquent début 2015 une des deux lignes d'assemblage dans son site de Poissy, en région parisienne, d'où sortent actuellement les Peugeot 208 et les Citroën C3, DS3 et DS3 cabriolet, après avoir déjà fermé son site d'Aulnay qui assemblait des C3.
"On n'arrive pas à faire des véhicules 'mainstream' (milieu de gamme ndlr) de segment B (des citadines ndlr) qui soient rentables avec une fabrication en France", a fait valoir mardi le futur patron du groupe, Carlos Tavares, lors du salon automobile de Genève.
Ces modèles pourraient par conséquent partir dans l'usine de Trvana, en Slovaquie, avait fait savoir un porte-parole le mois dernier.
PSA n'est pas le seul dans ce cas. Le constructeur américain Ford étudie la possibilité que sa Fiesta, actuellement assemblée à Cologne, en Allemagne, le soit désormais en Roumanie. "Nous sommes en discussions avec les syndicats pour voir comment nous pouvons être certains que la prochaine génération de voitures du segment B soit rentable et où elle sera produite", a expliqué son patron pour l'Europe, Stephen Odell, à Genève.
"Il devient de plus en plus difficile de produire des petites voitures moyenne gamme en Europe de l'Ouest", commente l'Allemand Stefan Bratzel, directeur du centre de recherche sur l'automobile CAM.
Les chiffres sont éloquents. Dans les pays où les constructeurs nationaux sont des champions de ce type de véhicules, comme la France et l'Italie, la production automobile a fondu depuis 2000. En 2012, 1,2 million de voitures en moins sont sorties des chaînes de montage françaises, selon des chiffres de l'Organisation internationale des constructeurs d'automobiles (OICA). En Italie, la production a été divisée par quatre.
- Le modèle Toyota -
Pour autant, "c'est encore possible", tempère Denis Schemoul, analyste chez IHS Automotive.
Toyota en est un exemple. Il a choisi il y a plus de dix ans de s'implanter à Valenciennes, dans le nord de la France, pour y produire sa citadine Yaris, qui compte une version hybride. Après avoir perdu de l'argent pendant des années, il est repassé dans le vert récemment.
"Je ne vais pas vous dévoiler mes secrets", plaisante le patron de Toyota en Europe, Didier Leroy. Mais il reconnaît que le constructeur a fait des gros efforts pour avoir "de bien meilleurs coûts de structures" et devenir rentable.
"Pour être rentable, une usine doit être suffisamment utilisée", explique Ferdinand Dudenhöffer, directeur du centre de recherche CAR. Pour réussir à faire tourner une usine à son maximum, un partenariat peut se révéler utile. C'est le cas pour le français Renault. Son allié japonais Nissan va assembler à partir de 2016 sa petite Micra, jusqu'à présent montée en Inde dans son usine de Flins (Yvelines).
"Le coût du travail est aussi un point central", poursuit M. Dudenhöffer.
PSA, mais aussi Renault, ont négocié l'an dernier avec les syndicats français des accords de compétitivité pour baisser leurs coûts. Des mesures similaires ont été prises en Espagne, où les groupes français, mais aussi l'allemand Volkswagen ou l'américain Ford, possèdent des usines.
Les constructeurs allemands font eux figurent d'exception. BMW, Volkswagen via Audi et Daimler avec sa marque Mercedes-Benz, sont les champions mondiaux du haut de gamme. Une position qui leur permet de produire sur le sol national, malgré des coûts salariaux plus élevés, car ils vendent leurs voitures plus chères. Sans compter que les sites allemands alimentent aussi d'autres marchés.