Le groupe Bouygues a annoncé dimanche être en négociations pour céder son réseau d'antennes et des fréquences de téléphonie mobile à son concurrent Free (Iliad), afin de faciliter son mariage avec SFR, ce qui recomposerait le paysage de la téléphonie mobile française.
Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg s'est déclaré favorable à un rachat de SFR par Bouygues plutôt que par Numericable, estimant, dans une interview au Parisien/Aujourd'hui en France qu'il valait mieux avoir trois opérateurs au lieu de quatre sur le marché français. Ceci pour renforcer un secteur qui a souffert et qui est confronté à une concurrence mondiale forte.
La pression s'accroît ainsi en faveur d'une vente de SFR à l'opérateur télécoms Bouygues plutôt qu'au câblo-opérateur Numericable.
"Nous sommes entrés en négociations exclusives pour céder à Free pour un montant pouvant aller jusqu'à 1,8 milliard d'euros l'intégralité de notre réseau mobile", a annoncé Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom, au Journal du Dimanche.
Cet accord, qui porte sur "15.000 antennes et un portefeuille de fréquences, dont une partie pour la 4G", est conditionné au fait que Bouygues achète SFR, mis en vente par sa maison mère Vivendi.
Bouygues et Free se sont mis d'accord dans la nuit de vendredi à samedi, après seulement trois jours de négociations. Une décision de bon sens, selon Free.
Bouygues espère ainsi, de son propre aveu, lever "la principale incertitude qui pesait" sur son projet de rachat de SFR au regard de l'Autorité de la concurrence, en devançant une probable exigence. Car l'ensemble combiné SFR-Bouygues représenterait la moitié du marché mobile en France.
L'accord avec Free permet "de présenter ab initio à l'Autorité de la concurrence des mesures visant à maintenir une dynamique de marché au bénéfice des consommateurs", a estimé Bouygues dans un communiqué.
- Un réseau en propre pour Free -
De son côté, Free Mobile, dépendant d'un accord d'itinérance avec Orange, voit une belle opportunité de renforcer ses infrastructures et remplir ainsi ses engagements à se doter de son propre réseau. "Pour nous, l’avantage c’est de rapprocher le jour de notre indépendance", a dit à l'AFP Maxime Lombardini, directeur général de Free.
Grâce à cet accord, "on se retrouve avec un réseau de 15.000 points hauts efficace avec les fréquences adéquates pour faire des offres de qualité à un prix attractif", a-t-il souligné.
Les syndicats CFTC et FO de Bouygues Telecom, interrogés par l'AFP sur cet accord, ont indiqué ne pas être inquiets de répercussions sur l'emploi. Idem chez Free, où la CFTC majoritaire est "plutôt rassurée".
Concernant la vente de sa filiale SFR, Vivendi, qui cherche à s'en séparer pour se recentrer sur les médias, a assuré dimanche n'avoir aucune préférence à ce jour entre les offres de prise de contrôle majoritaire déposées mercredi par Bouygues et Numericable. Le conseil de surveillance et son président Jean-René Fourtou "sont totalement neutres, aujourd'hui il n'y a pas de préférence", a déclaré un porte-parole de Vivendi à l'AFP.
Pour rafler la mise, Bouygues est donc prêt à une énorme concession en cédant son réseau mobile à Free. Selon M. Roussat, l'Autorité de la concurrence devra examiner le dossier et, si tout se passe bien, les migrations de réseau et d'abonnés pourraient se dérouler "au cours de 2015".
Il assure que l'accord "permet aussi de garantir l'emploi de l'ensemble de la filière télécoms en France": "Free souhaite entretenir le réseau avec ses propres agents. Et nous voulons garder nos 1.200 salariés qui y sont affectés. Notre réseau ne sera pas détruit. Au contraire, Free fera vivre les 15.000 antennes qui seront devenues les siennes", a-t-il affirmé.
M. Roussat a également confirmé que son "projet de fusion avec SFR ne provoquera aucun départ". Au contraire, la fusion permettra d’investir dans les réseaux internet et mobile et "créera de l'emploi. C'est le nerf de la guerre".
Cette fusion et cet accord rebattraient les cartes dans un secteur que se partagent quatre acteurs. Bouygues et Orange seraient au coude-à-coude. Aujourd'hui, Orange a 27 millions de clients mobiles, SFR en a 21,3 millions, Bouygues Telecom 11,1 millions et Free près de 7,5 millions.
Cet accord devrait permettre à Bouygues comme à Free de réduire leurs coûts, selon M. Roussat. Mais la guerre des prix ne sera pas close pour autant.