Bouygues, qui espérait marier sa filiale télécoms avec SFR pour créer un géant du secteur, va devoir revoir sa stratégie sur un marché ultra concurrentiel qui conserve ses quatre acteurs mobiles, après le choix de Vivendi de vendre à Altice/Numericable.
Le conseil de surveillance de Vivendi a en effet décidé samedi "à l'unanimité" de vendre SFR à Numericable et sa maison-mère Altice, écartant une deuxième fois l'offre concurrente de Bouygues après plusieurs semaines de suspense.
Le marché de la téléphonie mobile conserve donc ses 4 piliers. Pourtant, le gouvernement, par la voix d'Arnaud Montebourg, ainsi que le patron de Force ouvrière Jean-Claude Mailly, appelaient de leurs vœux un retour à trois opérateurs mobiles pour préserver l'emploi et faire cesser la guerre des prix initiée par Free depuis deux ans.
Mais, avec le scénario SFR-Numericable, cette guerre des prix n'a pas de raison de s'arrêter et les investissements sont trop importants par rapport aux revenus générés, selon les analystes.
En effet, "la concurrence joue moins s'il n'y a que trois acteurs", explique Mathieu Drida, PDG du site comparatif Meilleurmobile.com. "Plus il y a de concurrents et plus les prix sont bas", alors qu'avec trois opérateurs, les prix auraient connu une augmentation "pas tant sur les forfaits actuels que sur les nouveaux forfaits, ou les nouvelles offres, par exemple la 5G".
C'est donc une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais pas forcément pour l’écosystème. La fusion entre SFR et Numericable "constituerait un risque pour Bouygues compte tenu de sa faible présence dans le fixe", indiquaient déjà les analystes de Natixis fin mars.
"S&P a d'ailleurs mis sa notation BBB+ sous surveillance négative compte tenu de l'érosion du cash-flow de Bouygues Telecom mais aussi du risque d'affaiblissement durable de son positionnement concurrentiel en cas de rapprochement entre SFR et Numericable", ajoutaient-ils.
- Vers une alliance Iliad/Bouygues Telecom ? -
De plus, selon Natixis, "un tel scénario pourrait inciter Bouygues à vendre, à terme, son activité télécoms à Iliad/Free".
Dans son offensive pour remporter SFR, Bouygues s'est en effet tourné vers Iliad, en lui proposant de racheter ses fréquences et son réseau mobile pour éviter des problèmes avec l'autorité de la concurrence.
La question se pose désormais de savoir si cette alliance inédite entre les deux capitaines d'industrie, Xavier Niel et Martin Bouygues, jusqu'ici à couteaux tirés peut se prolonger, malgré l'échec du rachat de SFR.
Mais avant tout projet de cession, Bouygues doit faire face et assurer sa position.
"Bouygues continuera à animer le marché plus que jamais à la fois dans la 4G et dans l'internet fixe, avec des offres agressives sur la box, en profitant d'un concurrent qui sera fragilisé par sa fusion", assurait il y a quelques jours une source proche du dossier.
L'enjeu pour l'opérateur est aujourd'hui "de continuer les efforts commerciaux qu'il a réalisés très récemment, comme sur la 4G, qui lui a permis de gagner en légitimité sur sa capacité à déployer un réseau de qualité, et de montrer une volonté d'accélérer ses déploiements sur l'internet fixe, pour sécuriser ces deux univers", soulignait avant le verdict Adrien Bourreau, expert dans le secteur télécoms au cabinet Kurt Salmon.
Le nouvel ensemble SFR-Numericable sera en effet très endetté et Bouygues pourra en profiter pour lancer une contre-offensive sur les tarifs pour gagner des parts de marchés durant tout le temps que durera la fusion de ses deux concurrents.
Mais il aura tout de même fort à faire car sur le marché français "va voir s'affronter trois gros opérateurs parfaitement intégrés", bien présents à la fois sur le mobile et l'internet fixe: Orange, SFR-Numericable et Free. "Bouygues Telecom est bien présent sur l'univers du mobile, mais a une base internet fixe très faible", selon M. Bourreau.