par Elizabeth Pineau et Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - La réorganisation de son dispositif militaire en Afrique marque une nouvelle phase de la stratégie de la France dans la bande sahélo-saharienne, où Paris regroupe ses forces et inscrit son action dans la durée face à de réelles menaces djihadistes.
Annoncée depuis plusieurs mois, l'opération Barkhane doit officiellement succéder dans les prochains jours à Serval, lancée en janvier 2013 au Mali, et regrouper différents déploiements français dans la région, dont l'opération Epervier au Tchad.
"Barkhane", du nom d'une dune de sable en forme de croissant, mobilisera au total 3.000 militaires français et se fera en coopération avec cinq pays de la zone sahélo-saharienne (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad).
L'ensemble sera placé sous commandement unique depuis la base de N'Djamena où se rendra samedi François Hollande, au terme d'une tournée africaine qui l'aura auparavant mené en Côte d'Ivoire et au Niger.
"Le dispositif donnera plus de flexibilité pour agir en fonction des menaces dans plusieurs pays", explique-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat français.
Les menaces régionales sur la sécurité venant du Mali, de RCA, de la Libye, du Soudan ou encore du Nigeria, où opère la secte Boko Haram, seront au coeur des entretiens de François Hollande avec ses homologues africains.
L'Ivoirien Alassane Ouattara, le Nigérien Mahamadou Issoufou et le Tchadien Idriss Deby se retrouveront en France le 15 août pour participer aux cérémonies commémorant le Débarquement en Provence de l'été 1944.
BILAN MITIGE
L'insécurité qui règne dans la bande sahélo-saharienne suscite l'inquiétude des pays de la région et de la France face à ce qui est perçu comme une "autoroute de tous les trafics", selon les mots du ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian.
L'opération doit permettre d'éviter que la zone "ne devienne un lieu de passage permanent, de reconstitution des groupes djihadistes de la Libye à l'océan Atlantique".
La mort d'un neuvième militaire français lundi dans une attaque suicide au nord de Gao montre que la sécurité est loin d'être rétablie au Mali où la France a envoyé son armée il y a un an et demi pour stopper l'avancée des islamistes qui menaçaient la capitale, Bamako.
"Grâce à l'opération Serval, qui achève sa tâche, il n'y plus de sanctuaire pour les groupes terroristes. Et donc c'est une mission parfaitement accomplie", affirmait pourtant dimanche François Hollande au ministère de la Défense, à la veille du 14-juillet.
Jean-Yves Le Drian, qui a salué de son côté une opération "menée à bien avec une grande efficacité", était attendu ce mercredi à Bamako pour signer l'accord de coopération de défense franco-malien avant de faire halte à Gao pour rendre visite aux soldats blessés lors de l'attaque de lundi.
"Le bilan de l'opération Serval est assez mitigé compte tenu du fait que les groupes armés narcodjihadistes ne sont pas complètement éradiqués", souligne André Bourgeot, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Mali.
"C'est vrai qu'ils ont été boutés lors de l'opération Serval mais on a assisté quand même aussi à des formes de retour sous forme de harcèlement plus particulièrement dans la région de Gao et Tombouctou avec des obus de fabrication artisanale", ajoute-t-il.
"REAPER" ET AVIONS DE CHASSE
La situation qui prévaut actuellement dans le nord du mali est loin d'être apaisée, estime le chercheur, qui en veut pour preuve les récents affrontements meurtriers entre le mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et une dissidence du mouvement arabe de l'Azawad.
"On voit bien qu'il n'y a pas un retour à l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'autorité de l'Etat n'ont pas été restaurées", ajoute-t-il.
Sur les 3.000 soldats militaires mobilisés au sein de Barkhane, plus d'un millier devraient être basés à Gao, plusieurs centaines à Niamey où sont basés les drones de surveillance "Reaper", et un autre millier à N'Djamena avec des avions de chasse.
Outre le terrain malien, la France est également engagée en Centrafrique où elle estime être en passe d'atteindre deux objectifs : le retour au calme dans la capitale, Bangui, et l'ouverture de la voie vers l'Ouest.
La pacification de l'est du pays, en proie à des violences interreligieuses, est quant à elle loin d'être acquise.
(Edité par Sophie Louet)