par Laura Noonan et Andrei Khalip
LISBONNE (Reuters) - Les espoirs de Banco Espirito Santo (BES) de lever des capitaux frais sans recourir à une aide publique se sont encore amenuisés jeudi avec un nouveau décrochage de l'action de la première banque portugaise, provoqué par l'annonce d'une perte massive et des révélations sur de possibles agissements illégaux de responsables de l'établissement.
Le titre BES a plongé de 42,07% jeudi, à 0,2010 euro, au lendemain de la publication par la banque d'une perte de 3,6 milliards d'euros au premier semestre et de la suspension de cadres dirigeants soupçonnés d'abus de biens sociaux.
Suspendue pendant deux heures en début de journée, l'action avait ensuite perdu jusqu'à près de la moitié de sa valeur en quelques minutes, tombant à un plus bas de séance de 17 centimes d'euros contre un cours de 0,3470 euro mercredi en clôture, lui-même près de quatre fois inférieur à celui du 11 juin quand ont commencé à sortir des informations sur de possibles irrégularités dans les comptes d'autres sociétés de la famille Espirito Santo.
L'action Crédit agricole a chuté en parallèle de 4,26% à Paris, l'établissement français étant le deuxième actionnaire de BES avec près de 15% du capital.
Luis Marques Guedes, secrétaire d'Etat à la Présidence et ministre des Affaires parlementaires, a dit redouter que la crise autour de BES et des autres sociétés de l'empire Espirito Santo ne fasse dérailler la reprise au Portugal qui est en train de sortir de sa pire récession en 40 ans.
"L'économie est nécessairement affectée par une grave situation concernant un groupe si important", a-t-il dit à la presse, tout en se disant confiant dans la poursuite de la croissance.
Dans le sillage de BES, la Bourse de Lisbonne a chuté de 3,12% jeudi, touchant en séance un plus bas de 2014.
BES est la seule banque portugaise qui n'avait pas fait appel à une aide publique après l'éclatement de la crise financière de 2007-2008. Ses nouveaux dirigeants, nommés le 14 juillet après la perte de contrôle par la famille Espirito Santo qui avait fondée la banque il y a plus de cent ans, n'entendent pas qu'il en aille autrement. Mais cette ambition paraît de plus en plus difficile à soutenir après les annonces de mercredi.
UN MINIMUM D'UN MILLIARD D'EUROS
"La Banque du Portugal et le nouveau directeur général de BES ont dit que des investisseurs privés étaient prêts à mettre la main à la poche", rappelle Stefan Nedialkov, analyste de Citi dans une note de recherche. "Mais faudra-t-il que l'Etat ou des créanciers obligataires ordinaires soient mis à contribution?", s'interroge-t-il.
La Banque du Portugal a dit mercredi soir que l'appel à des capitaux privés était la solution qu'elle privilégiait pour BES dont le ratio de fonds propres Tier 1 est tombé à 5% à fin juin, contre un minimum réglementaire de 7%. La banque centrale a assuré que des fonds publics étaient disponibles si BES en avait besoin.
Le Portugal dispose toujours de plus six milliards d'euros pour la recapitalisation du secteur bancaire provenant du plan de sauvetage international dont le pays a bénéficié et dont il est sorti en mai, a précisé la banque centrale.
BES a déclaré tard dans la soirée de mercredi qu'elle lèverait suffisamment de fonds pour disposer d'un volant de sécurité au-delà du minimum réglementaire mais elle n'a pas précisé de montant dans l'immédiat.
La banque a dit qu'elle convoquerait une assemblée générale des actionnaires pour approuver ses projets de recapitalisation "dans un délai raisonnable".
BES devrait lever au moins un milliard d'euros de capitaux frais pour respecter le minimum réglementaire en matière de ratio de solvabilité et jusqu'à trois milliards d'euros pour retrouver le niveau qui prévalait avant l'annonce de la perte massive du premier semestre, estiment les analystes de Nomura dans une note de recherche.
BES avait levé un milliard d'euros le 11 juin dernier par une émission avec droit préférentiel de souscription.
Plus d'une vingtaine d'investisseurs potentiels ont eu des discussions avec la Banque du Portugal la semaine dernière en vue d'une possible entrée au tour de table de BES, ont déclaré à Reuters des sources proches du dossier.
Le fonds spéculatif DE Shaw et des clients de Goldman Sachs ont déjà pris une participation équivalant à 5% du capital.
La banque brésilienne Banco Bradesco, qui a une participation de 3,9% dans BES, a fait savoir jeudi qu'elle ne souscrirait pas à une augmentation de capital.
La Banque du Portugal a répété à plusieurs reprises qu'une aide publique ne serait envisagée qu'en dernier recours.
Un dirigeant d'un fonds spéculatif qui envisage de prendre une participation dans la banque estime qu'elle n'est pas condamnée à un renflouement sur fonds publics.
"S'il n'y avait aucune chance de lever des fonds, l'action vaudrait probablement zéro", note-t-il en faisant référence au précédent d'une banque qui a levé plus de capitaux qu'il ne lui en restait. Monte dei Paschi a en effet levé 5 milliards d'euros alors qu'elle n'avait que 2,5 milliards d'euros de fonds propres quand elle a sollicité les investisseurs, rappelle-t-il.
(Mathilde Gardin et Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison)