L'impossibilité, pour les Vénézuéliens, de trouver nombre de produits de première nécessité cache une autre réalité : la situation désastreuse de nombreuses entreprises publiques, paralysées par une faible productivité et leur manque de finances.
Principal groupe public du Venezuela, la compagnie pétrolière PDVSA en est le parfait exemple avec une productivité par employé divisée par trois en 15 ans de "chavisme".
En 1999, date de l'accession au pouvoir du défunt président Hugo Chavez, elle comptait près de 51.000 employés, avec une production de 63 barils par salarié et par jour.
Aujourd'hui, elle emploie 140.000 personnes... mais chacune d'entre elles ne produit plus que 20 barils par jour.
Et même si elle s'appuie sur les plus importantes réserves de pétrole au monde, elle accumulait en 2013 une dette de 16 milliards d'euros envers ses fournisseurs.
Quant à l’aciérie Sidor, la plus grande d'Amérique latine, six ans après avoir été expropriée au groupe argentin Techint sur ordre de Hugo Chavez (décédé en 2013), sa production ne représente plus qu'un tiers de ce qu'elle était alors, selon José Luis Hernandez, président du Syndicat des travailleurs de l'industrie sidérurgique (Sutiss).
"Nous avons perdu des ressources à cause de la bureaucratie et de la corruption", affirme-t-il.
"En 2008 (le gouvernement) avait approuvé plus d'1,2 milliard de dollars pour redresser Sidor, et cinq ans plus tard on n'avait reçu que 20% de cette somme", dit-il.
Difficile pour l'entreprise d'envisager l'avenir alors qu'elle ne peut pas élever sa production, en raison notamment "du manque d'investissements, de matières premières et de pièces de rechange pour les machines" ou encore "de la détérioration des relations avec les fournisseurs - à qui nous devons 920 millions de dollars".
Car, à cause d'un strict contrôle des changes instauré en 2003, les entreprises doivent demander au gouvernement les dollars nécessaires pour financer leurs importations de biens ou de pièces indispensables à la production... souvent sans succès.
- Une fièvre d'expropriations -
Au quotidien, cela se traduit par une terrible pénurie pour les Vénézuéliens : du déodorant aux cercueils en passant par les bouchons de bouteille en plastique, la farine ou les médicaments, un produit de première nécessité sur quatre est introuvable, dans un contexte de crise économique inquiétante avec une inflation annuelle de 60%.
Les nationalisations d'entreprises ont encore aggravé ce phénomène.
Entre 2002 et juin 2014, l'Etat vénézuélien a exproprié 1.288 entreprises, selon le décompte établi par Conindustria, l'association des entreprises du pays.
Sur 30 millions d'habitants, le pays compte aujourd'hui 2,6 millions d'employés publics, pour 5,4 millions dans le privé.
Au départ, ces expropriations sont plutôt un geste "louable", destiné au "bénéfice de la collectivité", tout comme les généreuses subventions sur les prix de nombreux produits, commente Luis Vicente Leon, du cabinet d'études de marchés Datanalisis.
Mais elles ont eu "un impact dramatique sur la productivité et la capacité d'approvisionnement" de ces sociétés, raconte-t-il, en ôtant notamment tout élément de motivation pour les fonctionnaires.
"Les politiques du gouvernement central, ces 15 dernières années, ont été orientées vers le +Socialisme du 21e siècle+", un modèle appliqué par Hugo Chavez puis son successeurs Nicolas Maduro, explique Anabella Abadi, économiste à la société de conseils ODH Grupo Consultor.
Parmi ses lignes directrices, détaille-t-elle, "l'avancée vers l'hégémonie politique du parti au pouvoir, le rejet de la propriété privée et la mise en place d'une planification centrale ayant le contrôle de l'économie".
"Chaque expropriation, chaque rachat forcé d'une entreprise ou création d'une nouvelle unité de production socialiste représente une avancée vers l'instauration de ce nouveau modèle", note-t-elle.
Mais au total, ce programme est "le même que celui du socialisme du 20e siècle".