Le maintien par le gouvernement, envers et contre tout, du cap de sa politique économique conjugué à l'accumulation de promesses non tenues, alimente une défiance sans précédent des Français à l'égard de l'exécutif.
Il est "hors de question" de changer de politique face à la panne de la croissance, a réaffirmé Manuel Valls le chef du gouvernement au Journal du Dimanche, jugeant même "irresponsables" ceux qui, de plus en plus bruyants à gauche, appellent à une autre stratégie.
Manuel Valls prône une nouvelle fois "un discours de vérité" et en appelle à la patience des Français: "La politique que le président de la République a décidé de mettre en œuvre nécessite du temps pour produire des résultats".
Et d'invoquer le "pacte de responsabilité et ses 41 milliards de baisse du coût du travail (qui) vont véritablement entrer en œuvre maintenant".
Problème: l'exécutif affronte la défiance, voire l'exaspération de Français. Plus de huit sur 10 n'ont plus confiance en lui pour combattre efficacement un chômage record, relancer la croissance et réduire les déficits, selon un sondage Ifop publié dans le même JDD.
Quant à la cote de popularité de François Hollande, elle est désespérément basse depuis plusieurs mois, restant autour - voire en dessous - de 20% et entraînant dans sa chute celle du Premier ministre.
Emploi, croissance, déficit : les engagements du chef de l'Etat n'ont pas été tenus. Maintes fois promise, l'"inversion de la courbe du chômage" a fait long feu. La croissance s'est révélée nulle au deuxième comme au premier trimestre. Quant au déficit public, il sera "supérieur à 4% du Produit intérieur brut en 2014", a admis le ministre des Finances Michel Sapin.
L'objectif d'un retour à la norme européenne de 3% en 2015 s'en trouve ainsi irrémédiablement compromis, contraignant l'exécutif à implorer la clémence de Bruxelles et de ses partenaires européens et à demander une réorientation des politiques de l'UE en faveur de la croissance et de l'emploi.
Berlin a cependant déjà répliqué par un "nein" cinglant, alors que François Hollande espère rallier à sa cause les dirigeants européens sociaux-démocrates d'ici au sommet du 30 août.
Dernier engagement en date du chef de l'Etat, le maintien du rang économique de la France dans le monde sera bien difficile à tenir. "La France, cinquième puissance économique du monde (...) entend, par les réformes qu'elle engage, rester à ce niveau", a lancé François Hollande vendredi. Mais il lui faudra résister à la poussée des pays émergents: Inde, Brésil, Russie...
- 'Désillusion' -
En attendant, constance ou obstination, le gouvernement s'attire une avalanche de critiques. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, dénonce une "erreur".
"Il faut savoir réajuster une politique économique quand elle ne fonctionne pas, là visiblement, on ne réajuste pas", plaide-t-il, mettant en garde contre un climat social "tendu" qu'une "étincelle" pourrait embraser.
"Alors que les Français voient le mur arriver, Manuel Valls affiche sa détermination à nous mener droit dedans", a ironisé l'UMP Eric Ciotti. L'ex-ministre UMP Laurent Wauquiez a de son côté estimé que "c'est la nullité de ce gouvernement et de la politique économique menée par le président de la République qui affaiblissent notre pays et le plongent dans une crise profonde".
Quant à Cécile Duflot (EELV), elle a emprunté au latin pour tweeter : "cuiusvis hominis est errare, nullius nisi insipientis perseverare in error" (tout homme peut se tromper, mais seul l'insensé persiste). L'ex-ministre du Logement s'apprête, selon le JDD, à témoigner de son expérience au sein du gouvernement Ayrault dans un livre au titre évocateur: "Voyage au pays de la désillusion".
Le Premier ministre exprime une "volonté de cohérence, de continuité et d'approfondissement pour obtenir des résultats", oppose-t-on dans l'entourage de François Hollande qui envisage cependant "des mesures complémentaires afin de dynamiser et de libérer la croissance".