par Jan Strupczewski et Robin Emmott
BRUXELLES (Reuters) - Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a dévoilé mercredi la composition de l'exécutif appelé à définir au cours des cinq prochaines années une politique communautaire centrée sur la croissance, la réforme du secteur de l'énergie, la concurrence et le commerce extérieur.
Le Français Pierre Moscovici, ancien ministre des Finances, occupera les fonctions de commissaire aux Affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes.
Il exercera sous l'autorité de l'ancien Premier ministre finlandais Jyrki Katainen et de son homologue letton Valdis Dombrovskis, qui comptent parmi les sept vice-présidents de la Commission désignés par l'ancien chef du gouvernement luxembourgeois.
Paris pousse en faveur d'une plus grande souplesse sur la question des déficits au sein de la zone euro afin de relancer une croissance atone. Dans la matinée, Michel Sapin, qui a succédé à Pierre Moscovici au ministère des Finances, a annoncé que le déficit public français avait augmenté en 2014 et que l'objectif de le ramener à 3% du PIB était repoussé à 2017.
Jyrki Katainen est chargé de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité, tandis que Valdis Dombrovskis s'occupera de l'euro et du dialogue social.
Tous deux viennent de pays favorables à l'orthodoxie budgétaire et à la maîtrise de la dette défendue par l'Allemagne, qui sera représentée au sein de l'exécutif par Günther Oettinger, chargé de l'Economie numérique et donc du marché des télécommunications.
Le Britannique Jonathan Hill est nommé commissaire à la Stabilité financière, aux services financiers et à l'union des marchés de capitaux, poste vivement convoité par la Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro.
Cette désignation, qui a surpris certains observateurs, concerne un portefeuille dont les contours ont été redessinés et Jonathan Hill aura entre autres la charge les relations avec l'Autorité bancaire européenne (ABE).
VICE-PRÉSIDENTS
"Monsieur Hill, auquel j'ai attribué un grand dossier économique, venant du monde politique et connaissant la vie de l'économie réelle, est bien placé avec son savoir et son expertise, son expérience pour résoudre les problèmes qui restent en souffrance en matière de services financiers, en matière d'union bancaire, en matière de stabilité financière", a déclaré Jean-Claude Juncker.
"Peut être nos amis britanniques comprendront mieux la politique de la Commission si elle est expliquée dans la version la plus élégante, la langue de Shakespeare", a ajouté le dirigeant luxembourgeois, qui a promis de tout faire pour convaincre la Grande-Bretagne de rester dans l'UE.
Tout comme son collègue français, Jonathan Hill, dont la nomination fait figure de "geste de paix" adressé au Premier ministre David Cameron, sera sous le contrôle de Jyrki Katainen qui coordonnera "toutes les politiques qui sont des priorités (économiques)" et de Valdis Dombrovskis.
La création des sept vice-présidences chargées chacune d'un domaine bien défini permettra d'améliorer la coordination au sein de la Commission, a expliqué Jean-Claude Juncker.
"J'ai décidé de faire quelques changements et de modifier un peu les choses", a-t-il dit. "J'ai choisi de mettre en place des vice-présidences de projets. Ces vice-présidents ont soit une formidable expérience européenne, soit ont été Premier ministre."
"Les vice-présidents seront des animateurs, des coordinateurs, ils ne seront pas des superviseurs. Je vous mets en garde contre la tentation de voir dans les vice-présidents des super-commissaires et dans les autres commissaires des commissaires de seconde zone", a-t-il souligné, ajoutant que les grandes priorités de la Commission seraient "la croissance, l'emploi, l'investissement".
AUDITIONS
L'ancienne ministre danoise de l'Economie Margrethe Vestager est chargée de la Concurrence, un portefeuille important en raison de son droit regard dans les projets de fusion ou d'élargissement des multinationales.
La Suédoise Cecilia Malmstrom devient commissaire au Commerce et devra négocier l'accord de libre-échange transatlantique avec les Etats-Unis. La Slovène Alenka Bratusek hérite du portefeuille de l'Energie.
Chaque commissaire va maintenant subir une audition devant la commission du Parlement européen chargée de son dossier, qui donnera son avis sur ses compétences et son engagement européen.
Le Britannique Jonathan Hill, qui n'a pas caché son euroscepticisme, risque ainsi d'être rudoyé par des députés européens majoritairement fédéralistes, malgré les succès enregistrés par les partis populistes et d'extrême droite lors des élections européennes de mai dernier.
De même, la nomination de l'Espagnol Miguel Arias Canete, accusé d'avoir tenu des propos sexistes, pourrait avoir du mal à passer. D'autant qu'il a hérité de l'énergie et du climat, tout en ayant reconnu avoir des parts dans deux sociétés pétrolières, ce que dénoncent les écologistes et des associations.
Cet avis des commissions parlementaires n'est que consultatif mais, par le passé, plusieurs candidats ont dû être remplacés, les députés européens disposant de facto d'un droit de veto puisqu'ils doivent accorder leur confiance à la Commission tout entière lors d'un vote d'investiture.
Ce n'est qu'une fois ce vote acquis que le nouvel exécutif européen entrera en fonctions, au plus tard le 1er novembre.
(Avec Martin Santa, Alaistair Macdonald, Julia Fioretti, Yun Chee Foo et Yves Clarisse; Jean-Philippe Lefief pour le service français)