par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - Le groupe Transdev, actionnaire majoritaire de la SNCM, a réclamé vendredi le remboursement des avances de trésorerie consenties à la compagnie maritime, qui n'a désormais plus d'autre choix que de se déclarer en cessation de paiement.
"Afin de créer les conditions de ce redressement judiciaire (...), Transdev a rendu exigibles ses créances détenues sur la compagnie, à effet du 3 novembre", a déclaré le groupe dans un communiqué.
La Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), qui est détenue à 66% par Transdev - coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts -, à 25% par l'Etat et à 9% par ses salariés, ne dispose pas des 117 millions réclamés.
Le président du directoire de la compagnie, Olivier Diehl, doit donc se rendre lundi après-midi au tribunal de commerce de Marseille pour déposer le bilan de la société et demander l'ouverture d'une procédure de mise en redressement judiciaire, a-t-on appris de source proche du dossier.
Transdev avait déjà menacé début novembre d'accélérer la mise en cessation de paiement de la compagnie par un remboursement anticipé des prêts d'actionnaires, soit 103 millions d'euros avancés par Transdev et 14 millions par Veolia.
Une démarche condamnée par les syndicats de l'entreprise qui la jugent particulièrement "inquiétante et dangereuse".
"Les actionnaires prennent des décisions alors que rien n'est garanti, ni sur le financement de la période d'observation, pas davantage sur le volet social envisagé", a dit à Reuters le délégué CFE-CGC des cadres et officiers, Pierre Maupoint de Vandeul.
Pour les syndicats, la compagnie maritime n'était pas en état de cessation de paiement avec 35 millions de liquidité dans ses caisses et 220 millions d'actifs navals.
RECHERCHE D'UN REPRENEUR
Une étude réalisée en interne par un cabinet de conseil privé a pour sa part chiffré à une soixantaine de millions d'euros le coût d'une période d'observation de deux à cinq mois, soit plus de 10 millions par mois en raison de l'effondrement de trésorerie qui est classique dans une entreprise placée en redressement judiciaire.
Pour l'actionnaire majoritaire, comme pour le gouvernement, une procédure collective était jugée indispensable pour purger le passif européen et faciliter la recherche d'un repreneur.
"Cette recherche de solution via le redressement judiciaire doit permettre qu'un appel d'offres soit conduit par le tribunal, qu'un repreneur, qui devra être agréé par la Collectivité territoriale de Corse, soit identifié, et qu'un accord soit trouvé avec la Commission européenne", dit Transdev;
La Cour de justice de l'Union européenne, rejetant les recours de la France, a confirmé le 4 septembre que la SNCM devait rembourser les aides d'Etat perçues par la compagnie maritime lors de sa privatisation.
Cette décision porte sur environ la moitié des 440 millions d'aides d'Etat que l'UE réclame à la SNCM, dont le remboursement mettrait définitivement la compagnie à terre.
Le passage par le redressement judiciaire s'inscrit automatiquement dans le cadre de la jurisprudence européenne, qui réclame une "absence de continuité de l'activité économique pour apurer les passifs financiers".
Plusieurs repreneurs se sont positionnés pour une reprise de la compagnie dans le cadre d'un redressement judiciaire comme la société américaine Baja Ferries, qui a engagé des négociations directes avec Transdev en mars.
Le spécialiste européen de la logistique du froid Stef TFE serait aussi sur les rangs pour une éventuelle reprise, notamment pour la desserte de la Corse avec quatre bateaux.
La SNCM emploie 1.508 salariés en CDI, environ 400 salariés réguliers en CDD et un volant de 300 à 500 saisonniers. La sous-traitance représente 1.200 emplois induits à Marseille et 800 en Corse.
(Edité par Yves Clarisse)