BRUXELLES (Reuters) - L'économie de la zone euro restera à la peine une année de plus, selon la Commission européenne, qui a abaissé ses prévisions de croissance et d'inflation 2014 et 2015 pour la région, où le taux de chômage ne reculera que marginalement.
Dans ses prévisions publiées mardi, l'exécutif communautaire a dit s'attendre à une croissance de 0,8% seulement cette année, de 1,1% l'année prochaine. Il faudra atteindre 2016 pour que la croissance accélère à 1,7%, un rythme d'expansion modeste dont la Commission estimait il y a six mois qu'il pouvait être retrouvé dès 2015.
Le report de la reprise résulte principalement de la dégradation de la situation de la France et de l'Italie.
Pour la France, deuxième économie de la zone euro, les prévisions de croissance sont inférieures à la moyenne de la région, l'investissement est en baisse tandis que les finances publiques se dégradent.
"Il n'y a pas de réponse unique et simple. La reprise économique peine clairement à prendre de l'allure", a déclaré le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse.
Les hésitations de la reprise au sein de la zone euro pèsent sur la croissance mondiale, dont le redémarrage est tiré par les Etats-Unis.
Si les séquelles des crises bancaires et des dettes souveraines continuent de fragiliser la région, les tensions avec la Russie au sujet de l'Ukraine et les sanctions économiques imposées par l'Union européenne à Moscou ont aussi détérioré le climat des affaires et pénalisé les exportations.
"Le ralentissement en Europe est intervenu en raison de la persistance des effets de la crise économique et financière internationale", a dit Marco Buti, directeur général de la DG économique et financière de la Commission.
"Nous voyons la croissance (...) caler en Allemagne (...) une stagnation prolongée en France et une contraction en Italie", a-t-il ajouté dans un communiqué sur les prévisions de 2014 à 2016.
PAS DE RECHUTE EN RÉCESSION
La Commission ne prévoit toutefois pas de rechute en récession de la zone euro, un risque contre lequel le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, avait averti les dirigeants de l'Union européenne lors de leur sommet à Bruxelles le mois dernier.
L'inflation dans la zone euro ne devrait pas dépasser 0,5% cette année et 0,8% l'an prochain avant d'accélérer à 1,5% en 2016, restant sous l'objectif de près de 2% de la BCE. Au printemps, la Commission tablait encore sur une inflation de 0,8% cette année et 1,2% en 2015.
Quant au chômage, il devrait s'établir à 11,6% cette année et 11,3% l'année prochaine contre 11,8% et 11,4% attendus respectivement il y a six mois.
Ces prévisions devraient apporter de l'eau au moulin de tous ceux qui plaident pour que la Banque centrale européenne assouplisse encore sa politique monétaire en se lançant comme ses homologues américaine, britannique et japonaise dans des rachats d'actifs massifs, principalement de dettes publiques.
Mario Draghi a toutefois prévenu les dirigeants de la zone euro qu'ils ne pouvaient pas compter sur la seule politique monétaire pour sortir du marasme, d'autant que les statuts de la BCE lui interdisent tout financement monétaire des Etats.
Mario Draghi leur a demandé que chaque pays établisse un programme de réformes structurelles destinées à soutenir la croissance d'ici le prochain sommet de l'UE en décembre.
Pour l'heure, les dirigeants de la zone euro placent leurs espoirs dans un programme d'investissement de 300 milliards d'euros que la nouvelle Commission européenne doit aussi présenter le mois prochain et ils appellent l'Allemagne, première économie du bloc, à dépenser plus.
"L'investissement est toujours à un niveau considérablement plus bas que celui qui prévalait avant la crise", a dit Pierre Moscovici. "Ce n'est pas propre aux pays les plus vulnérables (...) Une accélération de l'investissement est essentiel."
La Commission prévoit pourtant que les finances publiques allemandes seront excédentaires cette année, à l'équilibre en 2015, puis à nouveau en surplus en 2016, soulignant le peu d'allant de Berlin pour financer de nouvelles dépenses.
A l'échelle de la zone euro, la consolidation des finances publiques devrait se poursuivre cette année et les deux suivantes.
La Commission s'attend à une baisse de 0,3 point du ratio déficit public sur PIB cette année à 2,6% et de 0,2 point l'année prochaine. A politiques économiques constantes, il reviendrait à 2,1% du PIB en 2016.
La situation des finances publiques se dégraderait toutefois en France où le déficit public passerait de 4,4% à 4,7% du PIB entre 2014 et 2016.
(Robin Emmott, Marc Joanny pour le service français, édité par Jean-Baptiste Vey)