Le débat sur l'implication en Birmanie du groupe pétrolier Total a été relancé en France mercredi, au lendemain de la nouvelle condamnation de l'opposante Aung San Suu Kyi et de l'annonce par les Occidentaux d'un renforcement des sanctions contre le régime de Rangoun.
"Avec la société Total, fortement présente en Birmanie, la France dispose d'un moyen de pression important et le Parti socialiste demande au gouvernement qu'il soit utilisé", a affirmé mercredi le principal parti d'opposition.
Une réflexion doit être menée "au plus haut niveau de l'Etat avec Total", a ajouté un de ses députés, Pierre Moscovici.
Investisseur majeur en Birmanie, le géant du pétrole, champion de France des bénéfices, se retrouve régulièrement cité dès lors que sont évoquées des sanctions renforcées contre la junte birmane.
Les défenseurs d'Aung San Suu Kyi à l'étranger réclament en particulier la mise sous sequestre des royalties payés par Total au pouvoir birman, environ 125 millions de dollars par an.
"Par rapport à ce nouveau verdict, on doit envisager d'aller encore plus haut, et le retrait de Total (de Birmanie) est à envisager sérieusement", a déclaré mercredi à l'AFP Pierre Martial, du collectif SOS Aung San Suu Kyi.
Lors d'une manifestation mardi, la comédienne Jane Birkin, figure du soutien en France à l'opposante birmane, a insisté sur le rôle du groupe pétrolier : "Il faut que la communauté internationale décide le boycott absolu. Total doit quitter la Birmanie".
Très prompts à condamner le verdict de Rangoun, imposant à Aung San Suu Kyi 18 mois supplémentaires de résidence surveillée, les responsables français ont appelé mardi à de nouvelles sanctions européennes. Ils ont cité le secteur du bois, celui des pierres précieuses, mais n'ont pas abordé le rôle de Total dans l'exploitation du gaz birman.
Comme le président Nicolas Sarkozy, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner s'est prononcé pour des mesures "épargnant la population civile".
Il a évoqué "l’interdiction de visa pour les principaux responsables du régime et de la condamnation d’Aung San Suu Kyi, un embargo sur les armes à destination de la Birmanie et un mécanisme robuste de traçabilité des rubis et du bois".
Pourtant, devant une commission de l'Assemblée nationale en mai dernier, le chef de la diplomatie n'avait pas esquivé le sujet. "Le seul moyen de pression économique sérieux, ce serait évidemment le groupe Total. Pour le reste, il n'y a pas de commerce entre l'Union" européenne et la Birmanie, avait-il déclaré.
Dans son intervention, Bernard Kouchner voyait cependant deux raisons de ne pas inclure les investissements de Total dans de nouvelles sanctions. D'une part, l'arrêt de l'exploitation du champ gazier signifierait qu'"on coupe le gaz à une grande partie de la population birmane, et aussi à la ville de Bangkok, parce que ce gaz va en Thaïlande".
Total est présent en Birmanie depuis 1992, sur le champ gazier de Yadana, dont il possède 31,24% et qui représente 60% du volume des exportations de gaz de la Birmanie vers la Thaïlande. Il y emploie directement 250 personnes.
Bernard Kouchner ajoutait que si Total se voyait interdire d'opérer en Birmanie, la Chine prendrait aussitôt le relais.
"Si nous partions, nous serions immédiatement remplacés", a ainsi déclaré à l'AFP Jean-François Lassalle, directeur des relations extérieures du groupe pétrolier, affirmant que "Total déplore la condamnation d'Aung San Suu Kyi".
Interrogé à deux reprises par l'AFP, mardi et mercredi, le ministère des Affaires étrangères a refusé de dire si les investissements de Total en Birmanie faisaient toujours partie de la réflexion française sur les sanctions ou s'ils en étaient désormais exclus.