Réouverture progressive des commerces et des entreprises, assouplissement du couvre-feu et même retour des embouteillages, la vie économique a repris mercredi en Tunisie malgré les tensions politiques.
"Je suis confiant: nous avons rouvert aujourd'hui, après avoir été fermés depuis vendredi", date du départ en Arabie Saoudite du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, explique en souriant Tayeb Souissi, patron d'une grande surface spécialisée dans le bricolage en périphérie de Tunis, même si les clients se font rares.
"Il faut que la population se remette au travail, car il y a du travail: il faut notamment réparer ce qui a été endommagé" lors des pillages qui se sont déroulés au cours du mois de révolte populaire qui a conduit à la chute de l'ancien régime, ajoute-t-il.
Le ministre de l'Intérieur Ahmed Friaa a annoncé lundi que les récentes violences avaient coûté 1,6 milliard d'euros de pertes (environ 4% du PIB) à une économie tunisienne auparavant florissante, qui a bénéficié d’une croissance annuelle de près de 5% par an depuis plus de dix ans, sans toutefois empêcher un chômage important, un des facteurs clé de la chute du régime.
D'après le quotidien Le Temps, "43 agences bancaires ont été détruites, 66 espaces commerciaux saccagés, 11 établissements industriels rasés".
Mercredi, la plupart des commerces et des banques restaient fermées à Tunis. Mais les cafés, les magasins d'alimentation et les échoppes des marchés étaient ouverts. La capitale a renoué avec les embouteillages matinaux et plusieurs grandes entreprises accueillaient de nouveau leurs salariés.
La veille déjà, la société de centres d'appels Teleperformance Tunisia, qui revendique être le premier employeur privé de Tunis, avait indiqué avoir rouvert ses six centres de contact situés dans les zones industrielles de Tunis et à Sousse (centre-est).
Une femme chef d'entreprise basée à Tunis dans le secteur de l'import-export de produits agricoles, qui préfère rester anonyme, explique que le travail continue d'être entravé par la situation.
"On a repris avec prudence nos activités. Nos chauffeurs effectuent des déplacements de longue durée et en raison de l'état d'urgence ils sont encore restreints. Nous avons enregistré des pertes considérables", confie-t-elle.
L'état d'urgence, en vigueur depuis vendredi, prévoit notamment un couvre-feu, que les autorités ont allégé mercredi: il court désormais de 20H00 locale à 05H00 (19H00 à 04H00 GMT).
Réputée pour ses stations balnéaires et ses sites touristique, la Tunisie s'est vidée de ses touristes. Mais les responsables restent optimistes, croyant en leur retour rapide.
La révolution tunisienne, même si elle a généré "une baisse nette" des arrivées de touristes, sera "bénéfique" à long terme pour le tourisme du pays, a estimé mercredi l'ambassadeur de Tunisie en Espagne, Mohamed Ridha Kechrid.
"L'ordre est rétabli et à partir de maintenant, les touristes peuvent revenir en Tunisie", a déclaré M. Kechrid. Pour lui, une fois que des élections démocratiques auront été organisées, "la Tunisie sera encore plus belle, plus crédible, (...) et cette opération de changement sera bénéfique pour le tourisme tunisien et pour l'économie". Le tourisme emploie plus de 350.000 personnes sur dix millions d'habitants.
Une des inconnues concerne l'avenir des nombreuses entreprises dans les secteurs clés de la banque, des télécoms et du tourisme, contrôlées par la famille du président Ben Ali et de sa femme Leila Trabelsi, qui avait mis le pays en coupe réglée.
Mercredi, la justice a ouvert une enquête pour "acquisition illégale de biens" contre la famille du dirigeant déchu.
Et la Banque centrale de Tunisie a pris mercredi le contrôle de Zitouna, la première banque islamique tunisienne, lancée fin mai par un gendre de Ben Ali.