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Chypre commence à prendre la mesure des défis qui l'attendent

Publié le 29/03/2013 11:30

La petite île de Chypre, après la réouverture dans le calme de ses banques, commence à prendre vendredi la mesure des immenses défis à venir pour maintenir sa place dans une zone euro, qui ne sort pas non plus indemne de cette crise.

Les habitants de l'île s'attendent à vivre des jours difficiles avec une activité fortement perturbée par le contrôle des capitaux imposé après douze jours de fermeture forcée de toutes les banques du pays. Celles-ci ont pu rouvrir jeudi, sans incident, au grand soulagement des marchés après une semaine de forte tension. Les principales places financières, à l'exception de Tokyo, étaient toutes fermées vendredi.

Des files d'attente limitées se sont à nouveau formées vendredi matin au moment de l'ouverture des guichets, mais uniquement devant les agences de Laïki Bank, principale victime de l'accord conclu lundi entre Chypre et ses bailleurs de fonds afin d'éviter une faillite de l'île.

Pour éviter une fuite massive des capitaux, les autorités chypriotes ont mis en place de sévères restrictions. Les retraits sont limités à 300 euros par jour et par personne dans toutes les banques, tandis que les paiements par carte à l'étranger ne peuvent dépasser 5.000 euros par mois. Les virements bancaires vers l'étranger restent interdits.

Ces mesures pourraient être toutefois levées d'ici un mois, a annoncé jeudi le ministre chypriote des Affaires étrangères, Ioannis Kasoulides.

"La semaine prochaine nous devrions revenir à la normale, avec un système économique qui tourne - mais la normalité après le choc ne sera jamais comme avant de drame", prévient cependant Michalis Antoniou, directeur adjoint de la Fédération des employeurs chypriotes.

"Chute libre"

L'Institut de la finance internationale (IIF), qui représente les plus grandes banques du globe, a averti jeudi que l'économie du pays allait connaître une "chute libre", avec une récession pouvant atteindre 20% dans les deux prochaines années.

Le Fonds monétaire international (FMI), un des trois bailleurs de fonds de l'île, a reconnu que la mise en oeuvre du plan d'aide ouvrait une période "difficile pour les Chypriotes pendant un certain temps".

"Nous en sommes conscients mais cela débouchera au final sur un modèle économique qui sera plus viable et plus porté sur la croissance", a précisé porte-parole du Fonds, Gerry Rice.

Mais au-delà des difficultés économiques, les Chypriotes jugent aussi avoir été injustement traités par leurs partenaires de la zone euro.

"Je me refuse à parler de solidarité. L'Europe prétend nous aider mais le prix à payer est trop élevé", a déploré le chef de la diplomatie, qui dénonce "rien moins que la destruction brutale" du modèle économique de l'île, basé en grande partie sur le secteur bancaire.

Ce dernier génère environ un tiers du PIB chypriote et emploie près de 13.000 personnes dans le pays, soit environ 1,5% de la population. A elle seule, Laïki compte 2.300 salariés sur l'île, et Bank of Cyprus, l'autre banque visée par la restructuration, 3.300.

"Chypre est en train de pâtir de tous les coûts liés (...) à l'euro, sans avoir aucun des bénéfices", a sévèrement jugé le chef économiste de l'IIF, Philip Suttle, évoquant la "dépression" économique qui s'annonce.

Le lobby mondial des banques juge en conséquence qu'il y a une "réelle possibilité" de voir Chypre sortir de la zone euro après son sauvetage financier controversé. Le président chypriote Nicos Anastasiades a toutefois assuré vendredi que Chypre ne quitterait pas la zone euro, que l'île a rejointe en 2008.

La crise à Chypre a aussi laissé des traces en Europe, où le ressentiment a grandi à l'égard de l'Allemagne, accusée d'avoir imposé sa vision dans la résolution de la crise à Chypre et l'austérité à toute l'Europe, singulièrement à celle du sud.

Au point d'inquiéter le président français François Hollande, qui a redouté jeudi soir devant la presse les conséquences de cette division nord-sud.

"Je ne veux pas que l'Europe soit une maison de redressement". "Aujourd'hui, prolonger l'austérité, c'est le risque de ne pas aboutir à réduire les déficits et la certitude d'avoir des gouvernements impopulaires dont les populistes feront une bouchée le moment venu", a-t-il averti. "Etre dans l'austérité, c'est condamner l'Europe à l'explosion".

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