Après l'OCDE mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) a nettement revu à la baisse jeudi ses prévisions de croissance mondiale, faisant une croix sur l'embellie pronostiquée l'été dernier, notamment à cause des politiques de rigueur selon des experts.
Au détour d'une interview sur la radio Europe 1, Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, a estimé jeudi que la croissance mondiale atteindrait 3% à 4% en 2010 et "à peu près pareil" en 2011.
A peine un mois plus tôt, dans son rapport semestriel sur les "Perspectives économiques mondiales", le FMI tablait encore sur 4,8% de croissance mondiale cette année et 4,2% l'an prochain.
Quant à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a noté mercredi un ralentissement du rythme de la reprise économique mondiale depuis le début de l'année, le jugeant plus prononcé dans sa zone, qui réunit les pays les plus riches de la planète.
L'organisation table sur une croissance de 2,5% à 3% cette année et de 2% à 2,5% l'an prochain. Dans ses précédentes prévisions, fin mai, elle envisageait certes une croissance similaire en 2010 (2,7%) mais devant atteindre 2,8% en 2011, toujours dans sa zone.
A quoi attribuer ce regain de pessimisme? Le chef économiste du FMI a pointé "l'asymétrie" entre une croissance qu'il estime désormais entre "1 à 2% pour les pays avancés" et entre "6 à 8% et même plus pour les pays émergents".
Le FMI, a-t-il noté, "continue à prévoir une croissance positive, pas très élevée" avec un écart qui se creuse entre "pays riches" à "croissance lente" et "le reste du monde -les pays émergents- (qui) se porte très bien".
Pour rattraper leur retard, a-t-il souligné, les pays avancés "auraient besoin d'une croissance beaucoup plus rapide", faute de quoi ils afficheront des taux de chômage "élevés à l'horizon 2011/2012".
Michel Aglietta, professeur de Sciences économiques à l'Université de Paris-X Nanterre, ne s'est dit "pas du tout surpris" par ces nouvelles prévisions. Le FMI "retrouve en quelque sorte les prévisions relativement pessimistes du mois d'avril" après avoir "surestimé l'embellie de l'été", analyse-t-il.
A cela, plusieurs raisons, selon lui. D'abord, "les Etats-Unis sont dans une situation où le secteur privé ne peut lancer l'économie au-delà de 2% de croissance".
"La crise immobilière est toujours là, la plupart des ménages qui avaient obtenus des prêts immobiliers +subprime+ sont toujours en difficultés et les prix de l'immobilier ne réaugmentent pas", explique-t-il.
Second point: "à peu près partout, en Europe ou aux Etats-Unis, les banques ne font pas crédit aux entreprises". Troisième point: "la fin des plans de relances et les politiques restrictives en Europe".
Quant aux pays émergents, leur croissance restera "assez forte" mais "elle va sans doute ralentir en Chine".
Pour Cédric Tille, professeur d'économie à l'Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, la révision du FMI est "énorme" pour les pays avancés.
"La relance a perdu beaucoup de souffle aux Etats-Unis et l'aggressivité des politiques économiques n'est plus vraiment là", observe-t-il, résumant: "on a retiré la prise un peu vite".
Le ministère français de l'Economie se veut rassurant et assure que ces prévisions restent "conforme au cadrage macro-économique du projet de loi de finances 2011".
"L'économie américaine sort d'une crise très violente et cela va prendre du temps pour que les agents se désendettent" mais "au troisième trimestre l'activité s'est maintenue aux Etats-Unis où elle était même un poil supérieure à celle du deuxième trimestre", fait-il valoir.