Les Etats-Unis ont exhorté vendredi la zone euro à mobiliser plus d'argent pour résoudre l'interminable crise de la dette et mis en garde contre les risques "catastrophiques" que font peser ses divisions, dans un rappel à l'ordre peu goûté par les responsables européens.
Convié exceptionnellement à une réunion des ministres européens des Finances à Wroclaw, en Pologne, qui se poursuivra samedi, le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner s'est alarmé des divisions en Europe sur les meilleurs moyens de régler la crise, notamment entre les gouvernements et la Banque centrale, dirigée par Jean-Claude Trichet.
"Tout le monde doit travailler ensemble (...) afin d'éviter des risques catastrophiques pour les marchés financiers", a-t-il souligné en marge de la rencontre, appelant à éviter à tout prix "la menace de défauts en cascade" des pays de la zone euro.
Ses remontrances ne se sont pas arrêtées là: il a demandé aux pays de l'Union monétaire d'augmenter leur Fonds de secours pour les Etats en difficulté (FESF) et de soutenir financièrement davantage leurs banques très fragilisées, a rapporté la ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter.
Les principales banques centrales mondiales ont dû voler au secours du secteur bancaire de la zone euro jeudi de manière concertée pour garantir leur approvisionnement en dollars.
Ces propos ont été très modérément appréciés par les intéressés. L'Allemagne a rejeté la proposition américaine affirmant qu'on ne pouvait plus puiser davantage dans l'argent des contribuables mais qu'une ponction sur les marchés, via une taxe sur les transactions financières, y compris aux Etats-Unis permettrait de dégager les fonds nécessaire, selon la ministre autrichienne.
Option "strictement rejetée" par M. Geithner, a-t-elle ajouté.
Particulièrement virulente, Mme Fekter a estimé que l'attitude de son homologue américain n'était pas justifiée dans la mesure où, à ses yeux, les fondamentaux de la zone euro sont "meilleurs que ceux des Etats-Unis" qui ploient sous une énorme dette publique.
"Nous ne discutons pas de l'élargissement ou de l'accroissement du FESF avec un pays non membre de la zone euro", a sèchement fait remarquer de son côté le chef de file des ministres des Finances, Jean-Claude Juncker.
Ce Fonds, qui lève de l'argent sur les marchés avec la garantie apportée par les Etats de la zone euro pour pouvoir le prêter à des conditions plus avantageuses que celles du marché aux pays en difficulté, est aujourd'hui doté d'une capacité effective de prêts de 440 milliards d'euros.
Cette enveloppe suffit actuellement à faire face aux problèmes de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal. Mais si la crise de la dette devait se propager en déstabilisant toutes les banques de la zone euro, voire gagner des pays comme l'Espagne ou l'Italie, ce filet de sécurité serait trop limité.
Face à l'aggravation de la crise, sa palette d'outils doit aussi être bientôt élargie pour qu'il fonctionne comme un FMI européen, avec la possibilité de racheter des titres de dette publique de pays en difficulté sur le marché où ils s'échangent entre investisseurs, et de prêter aux banques. Encore faut-il que les 17 membres de la zone euro ratifient ces changements. Ce qui n'est pas encore fait.
Le rappel à l'ordre de M. Geithner est intervenu alors que la zone euro peine à résorber ses différends sur la manière de régler la crise de la dette.
A Wroclaw, l'objectif de départ qui était de concrétiser le second plan de sauvetage à la Grèce, de près de 160 milliards d'euros, n'a pas été atteint alors qu'il est pourtant vital pour éviter la banqueroute au pays.
La zone euro bute encore et toujours sur les garanties demandées par la Finlande en échange de nouveaux prêts à Athènes, une question qui empoisonne les relations au sein de la zone euro. "Des progrès ont été réalisés" mais aucun accord n'a été trouvé, a indiqué M. Juncker.
La difficulté est d'éviter d'affaiblir le plan de soutien à la Grèce et d'empêcher que trop d'Etats demandent ensuite le même traitement.
Un mécanisme à l'étude pourrait prévoir que la Finlande renonce au moins à une partie de ses bénéfices sur les prêts octroyés à la Grèce via le FESF, selon une source gouvernementale européenne.
Autre démonstration du manque d'avancées sur le sauvetage de la Grèce, la zone euro a décidé de reporter à octobre toute décision sur le versement d'une nouvelle tranche de prêts, tiré du premier plan d'aide, dont le pays a impérativement besoin.
Seule avancée constatée vendredi, les ministres des Finances des 27 se sont mis d'accord, après des mois de blocage, sur le principe de renforcer leur discipline budgétaire en imposant des sanctions financières aux pays trop laxistes, ouvrant la voie à une adoption formelle de cette réforme.
Grâce à cet accord, le Parlement européen va pouvoir formellement approuver cette série de mesures fin septembre, ce qui débouchera sur une adoption à l'échelle des 27 début octobre. Il s'agit d'"un signal fort à l'adresse des investisseurs et des marchés", s'est félicitée la présidence polonaise de l'UE.