par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - Le président du directoire de BPCE, François Pérol, a assuré mercredi n'avoir fait que "relayer", à l'Elysée, les messages du ministère des Finances, seul arbitre des décisions liées à la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne.
L'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée chargé des questions économiques auprès de Nicolas Sarkozy est poursuivi pour prise illégale d'intérêts.
Il est soupçonné d'avoir pris en 2009 la tête de BPCE, maison mère de la banque Natixis, après avoir été associé "de manière étroite" aux négociations sur la fusion.
Il lui est notamment reproché d'avoir émis des avis auprès des autorités compétentes sur le montant de l'aide qui serait accordée au futur groupe et sa structure juridique.
"A l'Elysée, en période de crise, nous sommes le relais des décisions qui sont prises par la ministre des Finances (Christine Lagarde, NDLR)", a-t-il déclaré mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris.
Si "la décision politique d'aider ou non les banques" a effectivement été prise par le président de la République - et fait l'objet d'un avis de sa part -, le dispositif technique et les modalités de sa mise en oeuvre ont, eux, été décidés par Bercy, assure François Pérol.
Ainsi, maintient-il, ni le déblocage de cinq milliards d'euros pour le futur groupe BPCE ni le choix de la structure qui recevrait cette somme n'a été validé par l'Elysée.
Face à lui, le président d'audience, Peimane Ghaleh-Marzban, souligne que les cinq milliards faisaient partie du plan d'aide aux banques de 360 milliards décidé par l'Elysée. "Si c'est une déclinaison de ce plan, n'est-ce pas une décision du président de la République?" s'interroge-t-il.
Réponse du prévenu : seul le cas de la banque Dexia a fait l'objet d'une validation de la présidence.
"ON LEUR A TAPÉ SUR LA TÊTE"
Le 10 novembre, François Pérol a reçu successivement à l'Elysée les dirigeants de la Banque fédérale des banques populaires et de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE), deux jours avant la signature de l'accord d'ouverture des négociations qui posera les jalons de leur rapprochement.
Une "coïncidence des dates" relevée par le président d'audience, qui a demandé si les dirigeants étaient venus chercher auprès de lui "l'imprimatur" de l'Elysée.
"Qu'ils l'aient interprété de telle ou telle manière, je ne sais pas", a répondu François Pérol. "Mon devoir était de relayer un message."
François Pérol n'a-t-il pas pris un certain "ascendant" dès octobre 2008, lorsqu'il dit à un dirigeant de la CNCE qu'il faudrait "aller vite" sur la fusion ? a encore demandé Peimane Ghaleh-Marzban. "Je répète ce que la ministre des Finances a dit publiquement", a répliqué l'intéressé.
Trois réunions avec les dirigeants des banques, présidées à l'Elysée par François Pérol au début de l'année 2009, intéressent particulièrement le tribunal.
Le patron de BPCE assure qu'elles n'ont servi qu'à écouter les dirigeants des banques, et à leur rappeler la position des pouvoirs publics.
"En gros, on leur a tapé sur la tête", dit-il. Mais à aucun moment "il n'y avait lieu à arbitrage", assure-t-il.
Son interrogatoire se poursuivra lundi prochain, pour aborder notamment la question du choix du dirigeant du groupe et de la manière dont son nom a émergé.
Le procès se poursuit dès jeudi, avec l'audition des témoins et notamment de Christian Noyer, actuel gouverneur de la Banque de France, et de Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Elysée. Initialement prévu jusqu'à lundi, il devrait finalement durer jusqu'au jeudi 2 juillet.
François Pérol encourt jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.
(édité par Yves Clarisse)