Un an après le vote pro-Brexit, la Bretagne, dont les Britanniques sont la première clientèle touristique étrangère, s'inquiète des répercussions possibles sur cette activité importante pour son économie, même si les effets concrets ne sont pas encore chiffrés.
Forte de sa proximité historique avec le Royaume-Uni, la Bretagne a très tôt réagi à l'annonce du Brexit en étant la première région à dresser, en décembre 2016, par l'intermédiaire du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), une cartographie des secteurs économiques "les plus exposés" au Brexit.
Outre la pêche et l'agriculture, le transport et le tourisme ont été identifiés comme particulièrement vulnérables.
Alors que la saison touristique bat son plein et que les grandes vacances des Britanniques viennent de commencer, les acteurs du secteur se montrent prudents, voire pessimistes, sur l'avenir.
"Nous accueillons 635.000 touristes britanniques par an qui représentent 385 millions d'euros dépensés", rappelle Anne Gallo, présidente du comité régional du tourisme (CRT) de Bretagne.
"Nous constatons une baisse de cette clientèle, ça nous a interpellés, mais cela a commencé avant le Brexit", ajoute-t-elle, précisant qu'il y a "une forte concurrence avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie". Face à ce constat, le CRT a augmenté de 10% en un an ses dépenses de communication à destination du Royaume-Uni.
L'entreprise la plus souvent citée comme symbolisant les liens qui unissent le Royaume-Uni et la Bretagne est la Brittany Ferries, qui affichait un effectif moyen de 2.770 salariés en 2016 et un chiffre d'affaires de 455 millions d'euros. Selon le Ceser, elle tire 80% de son chiffre d'affaires de l'activité "passagers", la plupart britanniques, qui payent en livres quand l'entreprise dépense en euros.
"Les premiers chiffres chez Brittany Ferries font état d'une baisse de 6,8% du nombre de passagers britanniques par rapport à l'an dernier, même si les lignes bretonnes sont moins impactées que les normandes", indique Anne Gallo. Interrogée, la compagnie n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet.
- 'Baisse du pouvoir d'achat' -
Les acteurs de l'hôtellerie et de la restauration sont eux plus partagés: beaucoup estiment qu'il est trop tôt pour se prononcer. "Le nombre de Britanniques est identique à 2016 même si le ticket moyen en restauration a diminué, mais nous tirerons de véritables conclusions fin août", résume Karim Khan, président de l'Umih Bretagne, principal syndicat du secteur.
"Il n'y a pas réellement d'impact, les tendances de réservation sont plutôt bonnes, mais nous restons prudents", juge de son côté Frédéric Bessonneaud, du Domaine des Ormes, qui compte 85% de clients britanniques.
La dépréciation de la livre, qui a chuté d'environ 15% en an, et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Britanniques, inquiètent aussi beaucoup.
"C'est le principal facteur d'influence sur la décision de venir en Bretagne et sur les dépenses sur place", estime le Ceser, pour qui à court terme, "une baisse du nombre de nuitées touristiques britanniques est à prévoir, avec des conséquences directes, en termes de retombées économiques pour la région, et d'emplois".
La Bretagne n'est pas seule à s'inquiéter. Dans une note de conjoncture, le CRT de Normandie relève que la clientèle britannique est jugée "en baisse" en juillet par 48% des professionnels interrogés, même si la mauvaise météo a également joué.
"Les Britanniques sont notre premier marché étranger, ils viennent en Normandie en tant qu'écoliers, puis en famille en été, puis hors saison quand les enfants sont partis", rappelle Alison Weatherhead, du CRT de Normandie. "Nous retenons notre souffle et attendons de voir les conclusions des négociations (sur le Brexit, NDLR) qui ont à peine démarré."
"La baisse du pouvoir d'achat des Britanniques ne peut qu'accentuer la baisse de fréquentation déjà enregistrée avant le Brexit, notamment dans les campings où ils représentent 85% des étrangers", prévient de son côté Franck Louvrier, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire chargé du tourisme.
Pour continuer à attirer cette clientèle, la région tente de coller "davantage à ses souhaits" en développant par exemple le "slow tourisme" à travers les croisières fluviales.