LVIV/IRPIN, Ukraine (Reuters) - Des habitants de Soumy, dans l'est de l'Ukraine, ont commencé mardi à embarquer dans des bus pour quitter la ville en empruntant le premier couloir humanitaire ouvert en accord avec l'armée russe, après plusieurs tentatives similaires avortées ces derniers jours.
Le gouverneur de Soumy, Dmitro Tchivitsky, a déclaré dans une vidéo que les premiers bus avaient déjà quitté la ville à destination de Poltava, plus à l'ouest, et que les handicapés, les femmes enceintes et les orphelins étaient prioritaires.
Une vidéo diffusée par le conseiller à la présidence ukrainienne Kirilo Timochenko montre un bus rouge transportant des civils.
"Il a été conclu que le premier convoi partirait à 10h00 (08h00 GMT) de la ville de Soumy. Le convoi sera suivi par des habitants de la zone dans des véhicules civils", a déclaré la vice-Premier ministre Irina Verechtchouk à la télévision.
Des civils ont aussi quitté Irpin, une banlieue de Kiev proche du front qui avait subi dimanche d'intenses bombardements.
"La ville est pratiquement en ruine et dans le quartier où je vis, on dirait qu'il n'y a pas une seule maison qui n'ait pas été bombardée" a dit une jeune mère de famille portant un bébé dans une couverture, sa fille marchant à côté d'elle.
"C'est hier que les bombardement ont été les plus durs, les éclairs et le bruit faisaient tellement peur... Tout l'immeuble tremblait."
Citant le ministère russe de la Défense, l'agence Interfax a annoncé que Moscou avait ouvert des "couloirs humanitaires" pour permettre l'évacuation de civils de Kiev et de quatre autres villes d'Ukraine (Tchernihiv, Soumy, Kharkiv et Marioupol). Mais les autorités ukrainiennes n'ont évoqué pour l'instant aucune autre évacuation que celle organisée à Soumy.
DEUX MILLIONS D'UKRAINIENS ONT QUITTÉ LE PAYS
Pendant le week-end, les deux camps s'étaient accordés pour que des habitants de Marioupol, ville également assiégée sur les rives de la mer d'Azov, puissent être évacués mais plusieurs tentatives de départ ont échoué, Russes et Ukrainiens s'accusant mutuellement de poursuivre les bombardements.
Les autorités ukrainiennes ont par ailleurs rejeté la proposition russe de créer divers couloirs humanitaires à destination de la Russie ou de la Biélorussie.
L'invasion russe, que Moscou présente comme une "opération spéciale", a déjà conduit deux millions d'Ukrainiens (sur une population de 44 millions) à fuir leur pays, a déclaré sur Twitter (NYSE:TWTR) le haut commissaire des Nations unies aux réfugiés, Filippo Grandi.
L'Ukraine a affirmé mardi que l'avancée des troupes russes était ralentie et son ministère de la Défense a annoncé que le général Vitali Gerassimov, premier commandant adjoint de la 41e armée russe, avait été tué au combat lundi, précisant qu'il s'agissait du deuxième général russe mort depuis le début de l'invasion, le 24 février.
Le ministère russe de la Défense n'a pas pu être joint dans l'immédiat et Reuters n'était pas en mesure de confirmer l'information.
Les pays occidentaux, jugeant que le plan de bataille initial russe misant sur une offensive rapide pour renverser les autorités à Kiev a échoué, pensent que Moscou a infléchi sa stratégie pour se préparer à des sièges longs de plusieurs grandes villes ukrainiennes.
Le principal convoi militaire russe parti en direction de Kiev est toujours bloqué au nord de la capitale tandis que dans le sud du pays, les forces de Moscou progressent le long des côtes de la mer Noire et de la mer d'Azov.
LE PÉTROLE RUSSE AU COEUR DES DISCUSSIONS ENTRE OCCIDENTAUX
Un haut responsable du Pentagone a déclaré que le président Vladimir Poutine avait désormais déployé sur le terrain près de 100% des plus de 150.000 soldats massés près des frontières de l'Ukraine avant le début de l'opération.
L'offensive russe a conduit les pays occidentaux à imposer à Moscou des sanctions d'une ampleur sans précédent pour un pays de cette taille.
Onzième économie mondiale, la Russie est le premier exportateur d'hydrocarbures de la planète et - comme l'Ukraine - l'un des principaux exportateurs de céréales et de métaux. Le conflit et les sanctions font donc craindre de fortes perturbations des marchés mondiaux de l'énergie et des matières premières, avec pour conséquence immédiate une envolée des prix.
Les discussions se poursuivent entre grandes puissances occidentales et asiatiques: mardi, le président chinois, Xi Jinping, s'est entretenu en visioconférence avec son homologue français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz.
La veille, ces deux derniers ont participé à une réunion à distance avec le président américain, Joe Biden, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson.
Les Etats-Unis, dont la dépendance au pétrole et au gaz russe est faible, souhaite mettre fin aux importations de pétrole russe mais l'Europe, dont l'approvisionnement en gaz dépend à 40% de Moscou, estime ne pas être pour l'instant en mesure de se passer de l'énergie russe.
À Moscou, le vice-Premier ministre Alexandre Novak, a brandi la menace d'un arrêt des livraisons de gaz à l'Allemagne en évoquant le risque de voir le prix du baril de pétrole atteindre 300 dollars (contre 125 mardi et moins de 100 avant l'invasion de l'Ukraine) si les Etats-Unis parvenaient à interrompre les importations de brut russe.
(Rédaction de Reuters, avec Pavel Polityuk à Lviv, version française Bertrand Boucey et Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)