En pleine crise du modèle agroalimentaire breton, l'arrivée de nouveaux actionnaires chez le volailler Doux relance l'espoir, mais la question de l'emploi reste au cœur des préoccupations en Bretagne dans un groupe qui a déjà perdu un millier d'emplois l'an dernier.
"Le groupe Doux a un objectif aujourd'hui: sortir du redressement judiciaire, donc forcément il dit que tout va bien, mais peut-être qu'après on aura le coup de massue", redoute Nadine Hourmant, déléguée FO du volailler.
"C'est une crise d'ensemble, donc je ne vois pas pourquoi Tilly-Sabco serait en plein dans la tourmente et pas le groupe Doux", a estimé Mme Hourmant, avant de préciser: "On est dans le même bateau".
En redressement judiciaire depuis juin 2012, le volailler devrait finaliser lundi ou mardi un accord de reprise avec le groupe saoudien Almunajem, son premier client, et la holding de la famille Calmels D&P, a confirmé à l'AFP le groupe breton, se félicitant de son "redressement".
La holding de l'homme d'affaires Didier Calmels sera majoritaire avec quelque 52,5% du capital de Doux, Almunajem détiendrait 25% et la famille Doux 22,5%. Une nouvelle qui tombe à point alors que l'industrie agroalimentaire traverse une crise sans précédent en Bretagne, suscitant la colère de centaines de travailleurs victimes de restructurations.
Une audience au tribunal de commerce de Quimper, au cours de laquelle sera examiné le plan de continuation du groupe --actuellement contrôlé à 80% par la famille Doux et à 20% par BNP Paribas--, est prévue le 26 novembre à 14H00.
Le volailler, dont l'objectif est de sortir de la procédure de redressement judiciaire fin novembre, s'est recentré sur l'export et la transformation (Père Dodu) après s'être allégé de son pôle frais, liquidé au prix de la suppression d'un millier d'emplois. Désormais, le groupe compte 2.100 salariés, dont environ 1.700 en CDI. Il prévoit d'investir quelque 80 millions d'euros sur huit ans pour moderniser son outil de travail.
Heure de vérité dans six mois
Mais la suppression par Bruxelles des aides à l'exportation pour les poulets congelés, dont la France restait quasiment la seule bénéficiaire, avec en premier lieu les groupes Doux et Tilly-Sabco, pèse sur la filière.
Ces "restitutions" permettaient aux poulets européens de concurrencer les volailles brésiliennes sur la scène internationale.
Leur arrêt, conjugué à l'effondrement du réal, la monnaie brésilienne, a conduit le groupe finistérien Tilly-Sabco à annoncer qu'il suspendait à partir de janvier sa production. Doux assure quant à lui qu'il est en mesure de se passer de ces aides.
"Nous avons perdu les restitutions européennes, 58 millions d'euros, l'euro est à 1,37 par rapport au dollar, les prix du marché sont bas. Nous étions à 2.500 euros la tonne en début d'année, aujourd'hui à 1.700 euros. Le différentiel avec le Brésil est de 30%-35%. À l'horizon 2018, il faudrait que nous soyons à 15%, ce serait supportable. Mais nous ne maîtrisons pas la parité", a cependant déclaré cette semaine Jean-Charles Doux dans un entretien au Télégramme.
De son côté, Gaëlle Nicolas, maire de Châteaulin, où se trouve le siège de Doux a réagi: "Je suis satisfaite que les choses évoluent dans le bon sens, mais la filière est toujours extrêmement fragile".
"L'heure de vérité pour Doux sera dans six mois ou un an", estime Christian Renault, consultant au cabinet AND-international.
"Avec l'arrivée de nouveaux actionnaires, la trésorerie va être assurée pendant un certain temps, il s’agit donc d’assurer les résultats d’exploitation durant ce délai, ce qui dépend de la capacité du groupe à réduire ses coûts mais aussi de la conjoncture extérieure", indique le spécialiste de l'économie agricole et alimentaire, estimant que la filière avicole bretonne est à "la croisée des chemins".
"Si les pouvoirs publics et la profession se mobilisent pour un plan de modernisation de l'outil de production, elle peut avoir un avenir", ajoute-t-il.