Le gouvernement va proposer lundi des aménagements pour tenter de désamorcer les tensions sur l'écotaxe, une mesure censée entrer en vigueur au 1er janvier 2014 mais qui rencontre une opposition grandissante en Bretagne sur fond de grogne fiscale généralisée.
Comme annoncé durant le week-end, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a adressé lundi matin à Jean-Marc Ayrault des propositions pour sortir du piège de l'écotaxe, décidée en 2009 par la précédente majorité.
Dimanche, moins de 24 heures après les affrontements qui ont fait une dizaine de blessés aux pieds du portique écotaxe de Pont-de-Buis (Finistère), ce proche de François Hollande avait assuré avoir "parfaitement entendu" et "parfaitement compris" le message exprimé par les manifestants.
Cette taxe, qui cristallise une bonne part de la colère bretonne, est une mesure du Grenelle de l'environnement du précédent quinquennat. Elle doit être payée pour tous les camions français ou étrangers de plus de 3,5 tonnes, roulant sur certaines routes (hors autoroutes payantes). Rapportant plus d'un milliard d'euros par an, elle vise à inciter les entreprises à utiliser, pour le transport de marchandises, des modes moins polluants.
Interrogé sur la possibilité d'augmenter la détaxe de 50% déjà accordée à la Bretagne, le ministre a admis qu'il s'agissait d'"une bonne piste de réflexion".
"La Bretagne est écoutée et sera entendue par le gouvernement", a confirmé le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, sur RTL.
Après les récentes reculades sur la taxation de l'excédent brut d'exploitation (EBE) ou sur les Plans épargnes logement (PEL) et Plans d'épargne en actions (PEA), le gouvernement peut difficilement renoncer à cette mesure attendue par son partenaire écologiste.
Six blessés côté gendarmes
"Si ce gouvernement cède (sur l'écotaxe), il ne faudra pas qu'il s'étonne qu'il n'y ait plus d'autorité sur rien", a ainsi mis en garde le chef de file des sénateurs écologistes, Jean-Vincent Placé, sur BFMTV-RMC. "Il ne faut pas prendre l'écotaxe pour le bouc émissaire", a renchéri sur RFI Pascal Durand, secrétaire national d’Europe ecologie-Les Verts (EELV). "On voit bien que la Bretagne est à bout qu'il y a une crise mais la crise ce n'est pas l'écotaxe qui l'a créée", a-t-il relevé.
Le Maire: un "pays à feu et à sang"
Selon M. Placé, l'écotaxe "va coûter 42 millions d'euros à la Bretagne mais va lui en rapporter 135" en matière de "transport routier, qualité des routes...". La région, qui avait massivement voté pour François Hollande en 2012, bénéficie déjà d'exonérations (filière lait, routes nationales et départementales...).
A droite, l'écotaxe constitue a contrario un nouveau cheval de bataille contre un gouvernement et un chef de l'Etat très affaiblis dans les sondages et dont la politique fiscale est contestée par une majorité de Français.
Membre du gouvernement qui avait décidé il y a quatre ans de la mise en place de cette taxe sur les poids-lourds, l'ex-ministre UMP Bruno Le Maire a ainsi estimé dans Le Parisien que l'équipe actuelle était "en train de mettre le pays à feu et à sang". "Je sens des tensions comme j'en ai rarement vues depuis dix ans", a prévenu l'ancien ministre de l'Agriculture, demandant à François Hollande de "changer de cap" de toute urgence.
L'ancien ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, a lui répété qu'il fallait "remettre à plat" l'écotaxe, un projet qu'il avait pourtant lui-même porté à l'époque du Grenelle de l'environnement.
Pour le président de l'Union des démocrates et indépendants (UDI), "une idée mise en place à un certain moment peut se révéler inadaptée à d'autres moments", notamment dans le "moment extrêmement difficile" que connaît la Bretagne.
Fustigeant sur France 2 des "problèmes de méthodologie, de gouvernance et de cap", Marielle de Sarnez (MoDem), pense elle que "le gouvernement serait bien inspiré de mettre tout le monde autour de la table et de regarder un calendrier nouveau" de mise en oeuvre de l'écotaxe.
A gauche, le sénateur PCF Pierre Laurent a jugé le dispositif "illisible" et appelé à une remise à plat de l'ensemble du dossier fiscal.